70e anniversaire de la libération : le discours d’Olivier Lalieu, vice-président de l’association

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Le Monument de Buchenwald-Dora au cimetière du Père-Lachaise à Paris.

Le 11 avril 2015, l’Association française Buchenwald-Dora a commémoré le 70e anniversaire de la libération de ces deux camps et de la plupart de leurs camps annexes devant le mémorial qui leur est dédié au cimetière du Père Lachaise, à Paris. À cette occasion, Olivier Lalieu, Vice Président de l’Association a prononcé le discours qui suit :

 » Il y a soixante-dix ans les survivants de Buchenwald, de Dora et de leurs kommandos retrouvaient la liberté.
Cette liberté pour laquelle ils avaient tant lutté, qu’ils avaient tant espéré, leur était rendue ce 11 avril 1945 grâce à l’arrivée des troupes américaines déclenchant une insurrection préparée de longue date. Cette insurrection unique dans les annales des camps est d’une importance symbolique majeure. Elle incarne la Résistance clandestine qui s’est manifestée à Buchenwald d’une manière inédite.
Au-delà de la seule volonté de survivre, cette résistance face au nazisme prit de multiples formes, prolongeant un combat entamé le plus souvent bien avant la déportation, pour les détenus allemands face au IIIe Reich naissant et dans les pays occupés ou alliés à l’Allemagne nazi pour les autres.
Certes, la Résistance, dans les camps comme ailleurs, ne fut le fait que d’une minorité, une minorité engagée, déterminée, habitée par une cause supérieure, patriotique, politique, spirituelle ou religieuse.
Derrière les barbelés, la Résistance fut encore plus périlleuse et en même temps plus vitale pour l’esprit humain.
Jusqu’au bout les nazis avaient fait régner la violence et la terreur. Ils avaient organisé leur fuite en entamant l’évacuation du camp. Là encore, l’action de la Résistance permit de ralentir ce nouvel exode qui devait conduire près de 20.000 détenus sur les routes d’autres camps, notamment les déportés juifs venant des camps de l’Est au cours du terrible hiver 1944-1945, rares rescapés de l’entreprise d’assassinat des Juifs d’Europe.
Des milliers moururent ainsi d’épuisement ou exécutés. Les autres ne furent à leur tour libérés que des semaines plus tard, notamment à Dachau et Terezin. Nous ne les oublions pas.
Nous sommes réunis en ce 11 avril 2015 pour rendre hommage aux déportés de Buchenwald et à la mémoire des disparus. Nous adressons des pensées particulières à la poignée des derniers survivants qui nous accompagnent autant que leurs forces le leur permettent et à qui nous voulons dire notre affection.
Cet hommage, nous le formulons devant le monument érigé par notre association ici au cimetière du Père Lachaise, aux côtés de celui de la Fédération nationale des déportés et internés, résistants et patriotes où reposent les pères fondateurs de ces organisations, Frédéric Henri Manhès et Marcel Paul. Nés à Buchenwald, leurs liens ne devaient plus se distendre, jusque dans la mort.

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Marcel Paul et Henri Manhès

Car si cette année marque le 70e anniversaire de la libération des camps, elle témoigne également de la création des associations destinées à rassembler les rescapés et les familles de disparus, à maintenir présent le souvenir de leur calvaire et de leurs combats.
Malheureusement, les divisions n’ont pas épargné les déportés, déjà au camp et d’une manière accrue après le retour.
Mais 70 ans après, dans la diversité de leurs convictions et de leurs parcours, nous nous souvenons de leur martyre et de leurs luttes, de leur espérance et de leur courage. À l’instar d’une autre grande figure de la Résistance française à Buchenwald, Eugène Thomas, qui affichait à Buchenwald même sa farouche volonté de devenir un « soldat de la liberté », nous honorons leur détermination à ne pas céder devant la barbarie.
Ce message, leur message, n’a rien perdu de sa force, ni de son urgence ; notre président Dominique Durand le rappelle avec raison régulièrement.
Comment ne pas penser en ce même jour aux victimes du racisme et de l’antisémitisme, partout dans le monde et jusque dans notre propre pays. Sans amalgame, ni banalisation, comment ne pas se dire que les valeurs portées par les déportés de Buchenwald nous imposent de ne pas rester indifférents face à la progression résistible de la xénophobie et du fanatisme, pour mieux affirmer au contraire notre attachement aux idéaux démocratiques et républicains, ceux-là même qui étaient revendiqués par beaucoup de nos aînés et pour lequel tant sont morts.
L’an passé, je nous invitais déjà à défendre cet héritage et à nous rassembler plus nombreux encore en 2015. Cet appel n’en est que plus déterminé aujourd’hui encore.
Nous en sommes convaincus, l’histoire et la mémoire du camp de Buchenwald, de ses détenus et de leurs vies, doivent perdurer par-delà les générations. 70 ans, ce n’est pas le temps de la disparition ; c’est celui de la transmission. Il nous appartient de trouver ces nouveaux relais, à commencer par nos propres familles, car ce sont bien nos enfants, de sang ou de cœur, qui feront que, demain, Buchenwald ne disparaîtra pas des consciences, et que les consciences continueront de se construire aussi sur les combats de Buchenwald.
Je vous remercie. »
Olivier Lalieu

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Olivier Lalieu

Un commentaire sur “70e anniversaire de la libération : le discours d’Olivier Lalieu, vice-président de l’association

  1. Un discours limpide, efficace, qui exprime avec autorité, parfaitement, ce qu’on souhaiterait dire ou entendre.

    Gisèle Provost

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