Discours d’Olivier Lalieu, Président de l’Association Française Buchenwald, Dora et Kommandos, au cimetière du Père-Lachaise le 11 avril 2022

Chers amis, nous sommes réunis fidèlement en ce jour anniversaire du 11 avril 1945, devant le monument en hommage aux déportés du camp de Buchenwald. A proximité demeurent les dépouilles des fondateurs de notre association, Frédéric-Henri Manhès et Marcel Paul, aux côtés de quelques-unes des figures de la Fédération nationale des déportés, internés, résistants et patriotes.

Ensemble, nous honorons leur mémoire et à travers elle, celle des milliers de Français déportés au camp de Buchenwald et des Kommandos extérieurs. Nos pensées vont d’abord aux morts, assassinés par les coups ou les balles des bourreaux nazis, ou victimes des sévices et des terribles conditions de vie qui leur sont imposées derrière les barbelés entravant leur horizon et leurs libertés.

Nous sommes en communion fraternelle avec nos amis et administrateurs de l’association aujourd’hui présents en Allemagne sur les sites des camps de Buchenwald et de Dora, et qui participent aux cérémonies officielles tenues par le CIBD, la Fondation des Mémoriaux et les autorités allemandes.

Vous le savez bien, notre hommage célèbre aussi tous ces hommes et toutes ces femmes des Kommandos extérieurs qui ont lutté contre l’occupant et contre le régime de Vichy, dans les ténèbres de la Seconde Guerre mondiale. Ils avaient refusé de céder face à la défaite et à l’effondrement ; ils avaient poursuivi avec courage et ténacité le combat au cœur de l’enfer concentrationnaire, rassemblant autour d’eux des citoyens de toutes obédiences et partageant avec constance l’idéal de la Résistance, mais aussi faisant vivre au plus haut point l’esprit de solidarité et de fraternité, les valeurs républicaines et démocratiques.

Nous demeurons plus que jamais admiratifs et en même temps redevables de leur force morale et de leur fidélité viscérale à ce qui fonde l’humanité.

Aujourd’hui encore, célébrer ces hommes et ces femmes, célébrer le 11 avril 1945, c’est exalter leur mémoire et celle de leurs engagements, mais c’est aussi réaffirmer notre absolu rejet de ce contre quoi ils s’étaient levés. Ils n’étaient pas d’accord sur tout. Ils croyaient ou non en un dieu quel qu’il fut. Leurs convictions politiques étaient pour le moins diverses, beaucoup étaient communistes, d’autres socialistes ou trotskystes, radicaux ou conservateurs, et d’autres non. Peu importe. Leurs conflits ne se sont pas éteints en captivité, ni après d’ailleurs, mais le plus souvent ils sont parvenus à dépasser tous les clivages pour se retrouver sur l’essentiel : survivre ensemble et non chacun pour soi et abattre l’hydre nazie. Et puis, ils voulaient aussi refonder une humanité meilleure, plus juste et apaisée, dans une espérance ô combien insensée et pourtant vitale.

Comment ne pas ressentir avec une vigueur décuplée ces idéaux dans la France et l’Europe de 2022 ? Comment ne pas espérer que la paix revienne au plus vite sur notre continent, mettant fin à une guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine au nom d’une prétendue dénazification, et vidant par là-même de son sens ce mot au contenu à la résonance pour nous, si forte et si essentielle.

Car certains aujourd’hui se réclament ou s’inspirent véritablement du nazisme ou de ses complices, et ils ne sont pas plus à Kiev qu’ailleurs. Ils sont en vérité dans de nombreux pays, notamment en France et en Allemagne dans des groupuscules ou des rassemblements qui complotent, qui propagent et qui cultivent le fanatisme. La xénophobie, le racisme et l’antisémitisme en sont les ferments, hier comme aujourd’hui, et ces fléaux-là malheureusement irriguent ou influencent à des degrés divers de larges franges de nos sociétés, y compris parmi ceux qui se présentent au suffrage universel.

Le 11 avril 2022 n’est pas le 11 avril 1945. Et pourtant…

En ce 11 avril 2022, devant la dépouille de nos fondateurs, alors que la France doit se choisir un nouveau président de la République, je veux rappeler avec force notre refus absolu de l’extrême-droite, de tout ce qu’elle représente, en rappelant le poids des souffrances et des tragédies qu’elle a infligé dans l’histoire. Face aux problèmes, aux difficultés, aux renoncements et aux abandons bien réels, les réponses ne sont pas à chercher dans le repli, le ressentiment, le fanatisme et la haine.

Gardons – nous aussi – l’espérance lucide chevillée au corps comme nos convictions antitotalitaires et républicaines. Et sachons nous tourner vers les nouvelles générations, vers cette belle jeunesse, qui nous observe et qui veut s’engager.

C’est la seule réponse possible à mes yeux qui préserve l’héritage moral légué par les survivants et les survivantes de la galaxie concentrationnaire de Buchenwald.

Soyons nombreux à le rappeler partout où nous le pourrons lors de la prochaine journée nationale de la Déportation.

Le 11 avril 1945, les résistants de Buchenwald se levaient contre les bourreaux nazis, alors que l’Europe allait se débarrasser grâce aux armées alliées et aux résistances de la terreur du IIIe Reich et de son idéologie funeste. Les barbelés des camps allaient s’ouvrir. Le monde allait pleinement prendre conscience de l’horreur concentrationnaire.

Le 11 avril 2022, ne laissons pas les porteurs de haine déconstruire la concorde républicaine et les valeurs démocratiques, et ériger de toujours possibles nouveaux barbelés.

 

Olivier Lalieu, président de l’Association Française Buchenwald Dora et Kommandos (c) ERR

 

Marie-France Reboul, nièce de Michel Julien KLB 20424 – Lecture du Serment de Buchenwald (c) ERR

 

Marie-Ange Layer, Secrétaire Générale de la FNDIRP (c) ERR

 

Danielle Guilbaud-Manyri, fille de Jacques Guilbaud KLB 51110 et Krystyne Roy nièce d’André Coquet KLB 85163 (c) Édith Robin

 

(c) ERR

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