PIETERS Charles KLB 51593

Charles s’est éteint ce jeudi 17 janvier, à bout de souffle, à l’âge de 96 ans. Nous savions cette échéance proche, inéluctable. Charles n’opposait plus la même farouche résistance, celle du matricule 51593, résistance qui avait été le moteur et le caractère dominant de sa vie, celle qui lui avait «appris très jeune que l’on n’avait rien sans se battre», comme il le déclarait en septembre 2009 alors qu’on lui conférait le grade de commandeur de la Légion d’honneur.

Une vie de luttes, de résistances, de témoignages, que ce soit comme syndicaliste, comme militant politique ou comme témoin des années noires de la déportation.

Dès son entrée dans la vie active, il s’engage auprès de ses camarades syndiqués, accédant rapidement à des responsabilités. Dans la foulée il adhère aux jeunesses communistes puis au Parti Communiste Français en 1932.

Le 30 novembre 1940, il est arrêté pour faits de résistance, mais s’évade de la prison de Rouen le 13 septembre 1941. Inlassable combattant, il est arrêté à nouveau et, en mai 1944, déporté à Buchenwald où la lutte continue. Dès son retour à Dieppe en mai 1945, Charles poursuit son engagement dans la vie politique et sociale pour la reconstruction du Pays.

Aux élections municipales de 1971, Charles devient le premier adjoint du maire Irénée Bourgois. Il va donner toute la mesure de ses talents d’organisateur pour redéfinir et recomposer les services de la ville et la gestion des personnels. Chargé de la vie sportive il crée avec des amis militants des clubs sportifs de masse : Natation, gymnastique. Il relance le ring olympique dieppois et renoue comme dirigeant avec le sport qu’il pratiquait dans sa jeunesse, la boxe. Il est, mais cela apparaît évident, chargé des relations avec les associations patriotiques et les anciens combattants.

En 1983, Charles demande à être relevé de son mandat d’élu pour faire de la place aux jeunes. Mais il n’en sera que plus actif au sein des associations qu’il préside comme la FNDIRP-ANACR et aussi l’Association Buchenwald-Dora et Kommandos qui a organisé son XXXIe congrès national à Dieppe en octobre 2009.

Témoigner, témoigner toujours. C’est au sein du Comité Régional de Haute Normandie de l’Association que Charles Pieters a apporté sa pierre à l’édifice élevé par les déportés rescapés contre la résurgence du fascisme sous toutes ses formes et en tous lieux. «Ô Buchenwald, je ne t’oublierai jamais». Le matricule 51593 n’a jamais oublié. Infatigable porteur de mémoire il a participé à de nombreuses rencontres et conférences auprès des collégiens de Seine maritime, organisant pour eux, en avril de chaque année, un voyage mémoire à Buchenwald et à Dora. En près de 20 ans, 1000 collégiens et lycéens ont marché dans les pas des déportés sur les chemins de l’horreur nazie de la Blustraβe au Carachoweg. Témoignage encore lors des réunions de l’association dans sa salle à manger, où 3 générations se côtoyaient. Homme de convictions, Charles écoutait, il n’était pas donneur de leçons. Mais il se plaisait à répéter cette phrase mise en exergue dans son livre : Témoignages contre l’oubli, écrit en 1995 et dédié à ses enfants et petits enfants «Ne jamais oublier le passé pour bâtir l’avenir». Livre traduit en allemand par les antifascistes de la V.V.N. Témoignage toujours, le 16 octobre dernier où il avait tenu à assister à l’Assemblée régionale de l’association, contant devant le jeune auditoire la fin de sa captivité et la libération du camp de Buchenwald. Rappelant en forme de testament pour ce passeur d’Histoire «Nous vivions dans la haine du fascisme, pas dans celle du peuple allemand».

Le 1er avril prochain, 53 collégiens dont 2 de ses petits fils et 9 accompagnateurs rejoindront la famille des porteurs de mémoire. Ils seront encadrés par Karine Pieters, petite fille de Charles et membre du C A de l’association. Chaque année, il nous accompagnait jusqu’au bout. Le 1er avril prochain, son fauteuil sera vide.

Charles  PIETERS est  Commandeur de la Légion d’honneur, il est décédé le 17 janvier 2011 à Dieppe en Seine-Maritime.

Article paru dans “Le Serment” N°336