Hermina November (1920-2011)

Décédée le 25 décembre 2011, Hermina November a été accompagnée le 2 janvier au cimetière du Père Lachaise par sa famille, ses amis et notre association. Un hommage funèbre, rédigé par Jean Claude Gourdin, et lu par Geneviève Guilbaud lui a été rendu au nom de la FNDIRP.

Mesdames et Messieurs,

Chère Hermina November

Combattante de l’ombre et ancienne déportée, permettez-moi chère amie, en ma qualité de représentante de la Fédération nationale des Déportés et Résistants Patriotes, de rappeler à votre famille et à vos amis la femme de conviction et la résistante que vous fûtes afin que chacun d’entre nous présents devant votre dépouille, sache et puisse témoigner des faits marquants qui ont jalonné vos combats contre le nazisme et le fascisme mais aussi bien sûr, pour défendre la liberté, NOTRE LIBERTE .
Née en juillet 1920 dans une localité d’Europe de l’Est, MARMAROSZIGET, et de confession juive vous décidez d’émigrer en France en 1935.
Ainsi à 15 ans, vous quittez votre famille. Vous vous installez à Paris et y exercez la profession de couturière.
Votre maigre paye vous permet de satisfaire vos besoins essentiels mais surtout de constituer un pécule qui doit aider à la venue de vos parents et de vos frères et sœurs.
Vous y parvenez et en 1937 toute la famille SLAMOVITZ sera réunie au 14 rue des Nonnains d’Yeres à Paris 4e.
Malheureusement des nuages sombres s’amoncellent au dessus de l’Europe.
Le contexte social et politique en France, vous conduit naturellement, compte tenu de votre sensibilité, à vous rapprocher des milieux de gauche.
La guerre d’Espagne, le Front Populaire renforcent votre prise de conscience et vos choix.
Il en est de même bien entendu de la politique menée par le régime autoritaire et ouvertement fasciste de Miklos Horthy qui, bientôt en 1940, rejoindra le pacte tripartite dit de l’AXE, mélant tout à la fois l’Allemagne nazie, l’Italie fasciste, le Japon nationaliste et certains pays d’Europe centrale dont la Roumanie, la Bulgarie et la Hongrie.
1940, la guerre ravage l’Europe et la France connait la défaite avec un gouvernement félon qui se met clairement au service de l’occupant.
Bien vite, les lois anti-juives se mettent en place : Interdits professionnels, fichages, humiliations diverses dont le port obligé de l’étoile jaune se succèdent et un jour de juillet 1942, le 16 exactement, vous êtes arrêtée en compagnie de vos parents et de vos 6 frères et sœurs, lors des rafles organisées par les autorités de Vichy et confiés à la charge de la police de notre pays.
Mais débrouillarde et saisissant une opportunité, vous réussissez à échapper à la surveillance de vos gardiens alors que vos parents restés au Vel d’Hiv seront internés à Pithiviers puis à Drancy.
Face à cette situation, vous prenez alors la décision d’opter pour la clandestinité en vous munissant d’une nouvelle identité ; vous deviendrez ainsi Léonie IRIGOYEN.
Même si la taille signalée sur la carte d’identité ne correspond pas tout à fait à la vôtre, la nouvelle Léonie IRIGOYEN saura exister.
La preuve, vous vous engagez au sein du groupe de combat MOI (Main d’Oeuvre Immigrée), organisation armée des Francs Tireurs et Partisans, dont faisaient partie notamment Missak Manouchian et Emeric Glasz, mais aussi votre compagnon, Ladislas Imre November. Avec lui vous enchainez les transports de tracts, d’armes, de journaux clandestins.
Vous assurez les liaisons et les contacts nécessaires au fonctionnement du réseau.
Mais la répression est effrayante, les arrestations et les démantèlements des organisations clandestines s’abattent sur la Résistance.
Les dénonciations et les surveillances policières sont constantes et les infiltrations de la gestapo s’opèrent avec efficacité, malheureusement.
Bref le danger est total et pourtant au péril de votre vie vous continuez à accompagner votre cher Ladislas dans ses missions et actions.
Le 16 novembre 1943, Missak Manouchian est arrêté en gare d’Evry-Petit Bourg par la Gestapo.
Simultanément d’autres membres du groupe (21 hommes et 1 femme) sont également interpelés par la police allemande et leurs supplétifs français.
Le lendemain, le 17 novembre 1943, c’est votre tour.
Les Brigades Spéciales au service de la Gestapo s’emparent de vous et de votre compagnon, au domicile de votre camarade Tibor Fegyveres lui-même arrêté.
La souricière a fonctionné et vous voilà l’un et l’autre livrés aux interrogatoires musclés de vos bourreaux.
Brutalités et sévices se succèdent mais vous tenez bon.
Pardon, vous ne cédez que sur un point… celui de votre identité.
En effet, vous ne vous appelez pas Léonie Irigoyen mais Hermina Slamovitz et vous êtes juive.
Passées ces épreuves et séparée désormais de Ladislas, vous êtes emprisonnée à la Centrale de Fresnes à partir de la mi-décembre 1943.
Là, on vous fait savoir que Ladislas a été fusillé avec ses camarades de combat.
Le coup est rude et le chagrin vous envahit, les jours passent et l’incertitude sur votre avenir, sur votre vie, est là pesante et présente jusqu’au jour, le 21 janvier 1944 où vous êtes transférée à Drancy.
Vous êtes en vie et tentez de retrouver certaines de vos amies et camarades de votre réseau.
Vous y parvenez et souhaitez être intégrée à leurs convois vers l’Allemagne et la Pologne.
Elles partent sans vous et vous ne les reverrez jamais.
C’est votre tour et le 10 février 1944, vous serez déportée au camp d’Auschwitz – Birkenau en étant affectée à un Kommando de travail (cassage de cailloux et épandage de bitume)
Vous y restez jusqu’à votre transfert en septembre 1944 au kommando de Weisswasser (kommando de GrossRosen).
Là, jusqu’au début mai 1945, vous travaillerez pour l’industrie d’armement dans une usine produisant des pièces détachées pour les avions.
Bien entendu, votre esprit de résistance inentamé malgré les souffrances, s’exerce quand même et avec nombre de vos compagnes vous vous attachez à saboter les pièces qui passent entre vos mains.
Le 5 mai 1945, vos gardiens et vos gardiennes s’enfuient devant l’avance des armées alliées.
L’armée américaine se présente au camp. Vous êtes enfin libre.
Les populations locales, tchèques des sudètes, se montrent prévenantes et accueillantes.
Elles sont à vos petits soins durant trois semaines. Votre état s’améliore.
Il vous faut penser au retour.
Alors avec d’autres rescapées, vous allez connaître un long itinéraire de retour qui va vous mener de Prague à Pilzen, de Pilzen à Lyon puis de Lyon à Paris.
C’est pratiquement fini et l’Hôtel Lutétia vous accueille le 4 juin 1945.
Là, bonheur suprême, après quelques jours d’attente, les hauts parleurs grésillent et vous font savoir que vous, Hermina Slamovitz, êtes attendue.
Vous vous précipitez et face à vous, un brancard à la main, Ladislas, votre amour, donné pour mort, vous attend et vous emporte.
Soulignons que lui-même déporté à Buchenwald du 24 janvier 1944 au 4 mai 1945 a survécu et est arrivé à Parisle 19 mai 1945, soit 15 jours auparavant.
Retrouvailles et reconstruction s’imposent.
Malgré la disparition de vos parents et de vos six frères et sœurs dans les camps de la mort nazis, malgré les souffrances et les malheurs accumulés vous allez de l’avant et même, événement majeur, vous concevez votre chère Eva.
Puis vos convictions et vos idéaux toujours chevillés au corps, vous décidez en décembre 1945 d’abandonner la France, votre terre d’accueil, et de rejoindre la Hongrie où une nouvelle vie conforme à vos espoirs et engagements vous semble possible à construire en compagnie de votre cher Ladislas devenu votre époux.
Bien plus tard et après avoir fait face à d’autres vicissitudes, le balancier de l’Histoire vous ramènera en 2007 pour toujours dans notre pays, celui pour lequel vous avez tant lutté et qui vous doit tellement.
Sachez, Chère Amie, que nous en somme honorés et que nous vous en remercions du fond du cœur car pour nous vous fûtes et restez un exemple de courage, de détermination et d’abnégation.
En un mot, vous fûtes et restez une héroïne dont la France et notre peuple peuvent être fiers et doivent se souvenir.
Adieu Hermina !
 Rejoignez Ladislas ;
 Vous resterez dans nos cœurs et nos pensées.

Paru dans le Serment 342 (Mars, avril 2012)