

Victime de la rafle du 12 décembre 1943, Pierre Tasset a été déporté à Buchenwald
La municipalité de Saint-Maurice souhaitant rendre hommage aux personnalités de la commune, sur le thème « trace de vie », Daniel Jourde, maire, a invité Pierre Tasset à évoquer son terrible parcours (*). accepté.
pour que la mémoire ne s’éteigne pas, Pierre Tasset témoigne dans les écoles depuis de nombreuses années.
Mais il le fait toujours avec une grande émotion, que sa voix a trahie ce jour-là en évoquant le récent décès de son dernier compagnon d’infortune Yves Chassaing.
Face à une centaine de personnes, il est remonté à sa jeunesse, quand il avait 17 ans, et à des souvenirs pas agréables, mais encore très présents chez cet homme de 89 ans.
Après le déraillement d’un convoi militaire de l’armée allemande provoqué les jours précédents par des Résistants basés à St-Maurice, le village a été investi le dimanche 12 décembre 1943 par la Gestapo et un détachement de la Lutwaffe (armée de l’aire) : les arrestations se multiplièrent dans la rue, à la sortie de la messe, dans les maisons..
« Ils nous ont emmenés vers chez le Robert Bonniol, également arrêté. Il était environ midi, nous avons eu droit à un verre d’eau et du pain. Il y avait des sentinelles partout… Puis on nous a conduits à l’école publique pour un interrogatoire. Ils nous ont fait mettre un à droite, un à gauche. Sur quel critère ? Je ne sais pas. Certains ont été relâchés. Pourquoi ? je ne sais pas. En fin de soirée, on nous a transférés dans la grange à Justin Vindiollet, qui était maire à l’époque, et qui a suivi le même chemin que nous. Ma mère a pu venir me voir, elle avait appris mon arrestation par les copains qui avaient eu la chance d’être relâchés ».
Le lendemain, les prisonniers furent fransférés à Clemront, à la caserne du 92 e RI. Le mardi, interrogatoires sur la Résistance : « Je n’ai pas été maltraité. L’officier était pressé ». Le surlendemain, « l’Allemand revient pour m’interroger de nouveau, mais il n’avait pas de nom et s’est pas rappelé qui s’était. Alors il a laissé tomber ». Le cauchemar ne s’arrête pas là.
Le 4 janvier, tous « menottés par deux, j’étais avec Baptiste Fournet », départ pour Compiègne et le camp de Royal-Lieu, où les attendait « le néant ».
« Condamnés à rien, puisqu’il n’y avait pas eu de jugement », les voilà à nouveau rassemblés pour sur un départ vers « l’inconnu », le 17 janvier. « Les gens de St-Maurice, nous étions encore regroupés ». Le 18, c’est l’arrivée à Buchenwald.
« Le débarquement a été très rapide, sous l”il des sentinelles et de leurs chiens. Comme j’étais toujours pieds nus, j’ai demandé de récupérer mes chaussures. J’ai reçu un coup de crosse. Une côte cassée, pas soignée. C’est pour cela que j’ai eu des séquelles toute ma vie. Des bruits couraient que sous la douche, certains étaient gazés, mais pas à Buchenwald.. Pour la tonte, c’était à ras avec une crête sur le haut de la tête, mais ça changeait tous les un ou deux mois, après c’était rasé des cheveux sur les côtés ».
Après, nous sommes transférés au grand camp, là, j’ai perdu mes camarades de St-Maurice, l’appel avait lieu par ordre alphabétique, tous les Chassaing sont restés groupés. Moi je me suis retrouvé avec des Hollandais, mais je n’ai pas été mal.
Le premier été, en juillet 44, une sentinelle nous fait mettre torse nu sous le soleil. J’ai eu un coup de soleil, j’ai fait une pleurésie, mais j’ai tenu le coup. C’est comme cela que j’ai eu des problèmes pulmonaires ».
Une heure trente de témoignage, puis beaucoup de questions émanant d’un public de tout âge, et témoignages des anciens du village qui ont connu cette période.
« On s’habitue ? Non. On n’accepte pas, on subit. Peur de mourir ? Non. On a toujours espoir. Penser à s’évader ? Oui. Mais on ne connaissait pas la langue, on n’avait pas de cartes, mais une coiffure et un costume très remarquables. Un évadé a été repris et pendu en spectacle au milieu de la cours ».
S’il fallait trouver un enseignement à tout cela, Pierre Tasset l’a répété et répété encore : « Plus Jamais ça ».
(*) Le maire a remercié Roger Montagner, René Champion, Odette Céalis de la Fédération Nationale des déportés internés résistants et patriotes, ainsi que Bob Vanhulle qui a réalisé un film bientôt disponible.

Du lundi au vendredi à 06h25 et 08h23

Saint-Maurice : victime de la rafle du 12 décembre 1943, un ancien déporté raconte
A l’occasion de la journée nationale du souvenir des victimes et héros de la déportation, le village Saint-Maurice a rendu hommage aux victimes de la rafle du 12 décembre 1943. Une dizaine de personnes ont été déportées vers le camp de concentration de Buchenwald en Allemagne, après un passage de la Gestapo dans le village. Seulement 6 personnes sont revenues.
Comme Pierre Tasset, dernier ancien déporté encore vivant à Saint-Maurice. Il avait 17 ans quand il a été arrêté par les allemands. Aujourd’hui, il raconte avec émotion ce qu’il a vécu en Allemagne. Grâce au travail de Rémi Gazel et de Josiane Pellizzaro, l’histoire du village est inscrite dans un recueil de mémoire, avec des objets et les témoignages de ceux qui ont vécu l’enfer dans les camps de concentration. C’est le zoom de la rédaction ce lundi 29 avril.