Notre existence dans les souterrains de Dora

Nous sommes arrivés à Dora vers la mi-septembre après une brève quarantaine à Buchenwald. Transport par camion des 700 à 800 hommes composant le transport. En majorité des Français, « les 21 000 », à 95 %.
Camions bâchés de la Wehrmacht. Le SS qui nous surveille – jeune, rose et blond – nous explique par signes des mains qu’il a 18 ans, 3 mois d’armée, et pour le moment il préfère blaguer les filles que nous croisons sur la route. Il n’est pas encore pourri.
Pour nous qui n’avons que 15 jours de camp, nous apprécions le trajet. La campagne est belle, le soleil éclatant et nous profitons de ce trajet. Dora au début, lorsque nous arrivons, il y a déjà de 1.000 à 1.500 détenus. Beaucoup de Français, le convoi des « 20 000 » qui nous a précédé. Des Russes, Polonais et Allemands (ceux-ci forment les cadres : chef de block, kapo, Stubendienst, Vorarbeiter et autres « Triangle rouge, noir, et surtout vert », Buchenwald s’étant débarrassé au maximum des éléments indésirables !).
Un grand, très grand espace, puisque l’on y construira près de 100 blocks avant de défricher la forêt qui l’entoure, pour l’agrandir, et qui arrivera à former un ensemble de près de 300 blocks à raison minimum de 200 détenus par block. Sur cet espace, des betteraves et des pommiers.
À droite, la colline, pente escarpée sur laquelle nous apercevons des hommes en tenue rayée occupés à une besogne que nous cherchons à voir et comprendre. Nous serons au courant un mois après. Il s’agit tout simplement de niveler la colline en piochant et rejeter la terre au fond, afin d’obtenir à mi-pente un terrain uni.
Avant nous sommes évidemment descendus des camions. Appel. Compte. 5 sur 5 ; en avant et nous arrivons devant l’entrée du tunnel. Celui-ci servait jusqu’à là de magasin d’huile et carburant à l’armée allemande. Il avait été construit bien avant le début de la guerre 39-45. Il est large de 8 mètres environ – une voie ferrée normale en son milieu – et à droite, un nombre de galeries, de 18 à 20, s’étendant sur les 3 kilomètres qu’il représente.
Nous franchissons peut-être 300 mètres sous les cris et coups de goumi de kapos surgis je ne sais d’où et que nous commençons à connaître. Le tunnel est bien éclairé et nous apercevons un (ce que nous prenons pour) très petit avion. En réalité c’était un V1 rescapé de Peenemünde. Par quel hasard est-il là abandonné au milieu du tunnel ?
Maintenant la vision est dantesque. Nous descendons à droite sur une passerelle qui tremble sous nos pas (60 centimètres de large). Une galerie de plus de 15 mètres de haut où seront montés plus tard V1 et V2, sans éclairage, où scintillent quelques lueurs, celles des lampes des mineurs qui travaillent.
Des hurlements de tous côtés, et ne voyant rien, nous avançons entre les pierres, recevant parfois un coup sur le crâne, ou le dos, ne sachant ni pourquoi, ni comment.
Après un quart d’heure de marche nous arrivons au block. Une galerie taillée dans la roche, comme tout le tunnel, où nous sommes reçus par un droit commun allemand, qui nous gratifie en hurlant et maniant une matraque d’un discours auquel nous ne comprenons rien, si ce n’est que ce ne sont pas des paroles de bienvenue.
Le block où nous devons coucher a une capacité de plus de 2 000 hommes. Des rangées de lits montés sur 8 mètres de haut, touchant presque le plafond du tunnel, sur 15 mètres de large, répartis en quatre étages.
Sur les planches des matelas bourrés de copeaux de bois, lesquels au bout de deux jours seront tassés et nous « permettront » de coucher directement sur le bois des planches.
Il est trop tard pour que nous soyons mis au travail. Le lendemain, travail à 5 heures. Formation des commandos. Le plus grand nombre d’entre nous se retrouvent sous la conduite du Vert allemand au démontage des installations d’huiles, installées précédemment.
C’est un travail très dur. Munis de clés anglaises, nous devons déboulonner des traverses en fer dont les boulons, fixés il y a des années, sont bloqués et rouillés. Ensuite il faut déposer ces poutrelles qui pèsent plus de 100 kilogrammes et nous sommes deux par équipes. Une autre équipe transporte ces poutrelles jusqu’au tunnel en vue de leur chargement ultérieur sur des wagons plateforme.
Nous travaillons toute la journée – 12 heures – avec un arrêt d’une heure pour le déjeuner ! L’avantage, c’est qu’il n’est pas possible de nous frapper, car perchés sur le haut des poutrelles, et le danger que représenterait leur chute éventuelle, nous ne voyons pratiquement pas les SS.

Le kapo est un vieux « triangle vert » allemand. Pourquoi est-il là, je ne sais. Pas méchant d’ailleurs, mais à la distribution de la soupe – très claire – il sert tout le commando, se servant le dernier, mais il oublie de remuer, ce qui fait que nous avons le jus et lui les pommes de terre.
La rentrée au block le soir donne, chaque jour, lieu à une scène indescriptible. Plusieurs centaines d’hommes se présentent devant une porte d’un mètre de large ; c’est une invraisemblable pagaye ponctuée de cris, de jurons dans toutes les langues, plus des coups.
Un soir, un jeune Français plein d’illusion tenta de mettre un peu d’ordre. À grand renfort de «Langsame-Pomalo-Doucement» il réussit, quelques minutes, à endiguer le flot, jusqu’au moment où, à coups de goumi, un adjoint du chef de block vint l’interrompre en expliquant qu’il n’avait ni grade, ni titre pour s’occuper de ce qui n’était pas sa fonction.
Toute la nuit la lumière reste allumée ; mais nous sommes tellement fatigués qu’à peine affalés sur nos paillasses, nous dormons tout habillés avec sur nous une couverture des plus minces que nous devons plier le lendemain au réveil.
Sans arrêt la nuit est troublée par des commandos qui rentrent ou qui partent. Des cris constants, des hurlements et toujours l’odeur de poudre et de pierres concassées, l’émanation des travaux qui se continuent sans arrêt dans le tunnel.
Car si nous, nous démontons, d’autres travaillent à terminer le deuxième tunnel pareil à celui qui traverse la colline. Sur 3 kilomètres qui restent à forer jour et nuit le travail se poursuit, dur, très dur, dans la poussière du marteau piqueur avec comme seul arrêt la pose des cartouches de dynamite, l’explosion et de suite, le dégagement des pierres, chargées et poussées dans des wagonnets roulant sur des voies Decauville, sur un sol non égalisé et sous les hurlements et coups des kapos, tous des « verts », qui contrôlent et dirigent le travail.
Il faut faire vite, très vite. L’odeur de poudre et de poussière est intenable. Rien à boire. Se laver : un rêve impossible. Les yeux brûlent. La peau tire. Pas ou peu de SS. Le travail suffit à lui-même.
En effet, au bout d’un marteau piqueur ce n’est ni coups, ni hurlements qui creuseront plus vite. (Je parle de ceux qui tiennent le marteau et non de ceux qui doivent charger et pousser les wagonnets remplis à ras bord des pierres éclatées après les explosions.)
Un mois environ après notre arrivée, rassemblement. Nous traversons en entier le tunnel et faisons, sans savoir où nous allons, peut-être 2 kilomètres, mais cette fois entourés de SS. Halte devant une baraque ; ce sont les douches. Le plaisir de sentir l’eau sur nous et la satisfaction que nous en éprouvons, même sans savon, ne peut être connue par celui qui a la possibilité de se laver normalement. Pas de serviette pour s’essuyer !
Quelques jours après, rassemblement comme tous les matins mais changement, nous continuons notre chemin jusqu’à la sortie du tunnel et nous nous retrouvons dehors avec maintenant des SS autour de nous. Nous sommes alignés, comptés, recomptés et finalement divisés en deux groupes, 200 ou 300 hommes par commando.
J’échoue avec 200 autres, au Shat Kommando Eins, c’est à dire au commando de la terrasse. Le kapo est un jeune Tzigane Allemand, « triangle rouge ». Il prend les vingt premiers d’entre nous et nous allons chercher pelles et pioches. Nous revenons chargé chacun, de trois de ces outils qui sont distribués et au travail.
Nous allons continuer à niveler la colline. D’autres détenus déjà y travaillent. Nous sommes installés au flanc de cette colline sous lequel s’ouvre le tunnel, et avec pelles et pioches, nous devons attaquer le flanc et rejeter pierres et terre vers le bas, afin d’ouvrir un chemin qui sera plus tard une route entourant le camp.
Là, les SS sont sur place et hurlent et frappent. Le rythme des pelles et pioches ne peut se ralentir. Nous avons au commando, en plus de Walter le kapo, deux Vorarbeiter, Karl, un « triangle rouge » Allemand et Joseph, un noir Polonais.
Karl se moque éperdument du travail et nous surveille avec nonchalance, crie un peu, mais sans excès et ne frappe pas. Joseph serait plus hargneux, mais ses coups ne sont pas appuyés. Quant à Walter, le kapo, je ne l’ai jamais vu frapper.
J’oublie un autre Vorarbeiter, un « triangle vert » allemand, lui une vraie brute. Un colosse, 1.90 m, stature de même. Heureusement il passe son temps loin de nous, mais ses apparitions sont marqués de coups, de cris sans raison. Il se calme les nerfs.
Par contre, ceux d’entre nous qui ont été mutés au transport colonne sont victimes de brutalités et sans arrêts de coups. Kapo et Vorarbeiter, «triangle vert » allemands, frappent à coup de goumi du début du travail jusqu’au coup de sifflet indiquant la fin, pendant que les hommes transportent sans arrêt à deux ou trois des rails, des poutres et des charges qui, normalement, seraient transportés par un nombre d’hommes doubles et bien nourris.
Au début la terre est sèche et le piochage facile, mais au mois de novembre il pleut et la terre devient argileuse, colle aux pelles et la fatigue en est accrue. Nous creusons les futures canalisations du camp. D’autres équipes commencent à monter les blocks.
Il y a à Dora 500 ou 600 Italiens. Des Bersaglieres de Mussolini, au chapeau emplumé, échoués là après l’armistice de Bataglio. Ils sont splendides – au début -. Après trois mois, ils seront moitiés moins…
Le soir avant le retour au tunnel, appel : 3.000 hommes environ, les pieds dans les galoches, dans 90 centimètres de boue, immobiles, et le froid commence à régner en maître. Une heure ou plus : compte, recompte, avec souvent en début d’appel la bastonnade d’un ou de plusieurs détenus.
Le SS qui officie est une brute sadique, et frappe de toutes ses forces, prenant le maximum d’élan afin d’assurer ses coups. Puis, par files, retour au tunnel et au block-dortoir.
Réveil à 5 heures ; 1 heure d’attente dans le tunnel puis sortie et au travail jusqu’à midi. Soupe en général très claire, et pelles et pioches jusqu’au soir.
Nous touchons maintenant le pain avant l’appel : une boule pour quatre. La boule pèse à peu près un kilo, avec une tranche de saucisson ou de margarine. Interdit d’y toucher avant la rentrée au block. Mais la faim tenaille et nous tentons les uns et les autres de manger. Malheur à celui qui est surpris. Déluge de coups et bien souvent suppression du morceau de pain.
Début décembre 1943, nous quittons le tunnel pour les blocks qui ont été construits. Pas tous. Il n’y a que 13 blocks de construits ainsi que la cuisine. Chaque block contient environ 250 hommes. Notre chef de block est un saboteur allemand.
Le transport Kolonne loge avec nous et le Vorarbeiter dont j’ai parlé, est là, nous le nommons « le gorille ». Il continue ses violences, jusqu’au moment où Karl le chef de block, lui signale qu’il est le maître et que si, dans son kommando il fait ce qu’il veut, au block il n’a rien à dire. C’est un véritable soulagement pour tous car ses coups tombaient au hasard.
Il commence à faire très froid, nous touchons des oreillettes et des gants qui ne dureront que peu de temps.
Autorisation d’écrire, en allemand bien sûr ; ceux d’entre nous qui connaissent la langue sont assaillis et les cartes, sept ou huit lignes maximum, sont établies pour parents et amis. Ce sera la seule fois que nous pourrons écrire.
Il fait de plus en plus froid et les appels sont une torture supplémentaire. La place d’appel a été réalisée dallée, face au poste SS et nous restons là, debout, suivant l’humeur des gardiens.
Les malades commencent à se compter par centaines. Pneumonies en grande série.
Les premières lettres arrivent bientôt suivies de colis. Ils sont distribués par le chef de block. Si celui-ci est convenable, on lui donne quelque chose, c’est dans les moeurs. Mais si c’est une canaille, il prend ce qu’il veut !
Fin janvier le nombre des malades étant trop nombreux, les SS organisent un transport, qui sera rapidement nommé «Transport Krématorium ». Malheureusement cela est vrai. Car, sur le millier de partants vers un camp de la Baltique, je n’ai jamais entendu parler de survivants. Ce transport sera d’ailleurs répété tous les mois avec l’évacuation de tous ceux qui ne peuvent travailler.
Le crématoire de Dora fonctionne maintenant sans arrêt et les piles de corps s’entassent devant, marqués au crayon encre de leur numéro matricule, entièrement nus, car les vêtements ont été récupérés.
Nous continuons à construire les routes dans des conditions épouvantables. Il fait très froid, moins 10° ou plus. La terre est gelée et nous sommes sous la coupe de Baugmarten, un entrepreneur civil, ancien combattant sur le front russe qui a été blessé, un véritable fou. Toujours en tenue de la Wehrmacht, qui se précipite sur nous un manche de pioche à la main et frappe sans raison. Il a été trépané et a une haine complète pour Soviétiques et Français.
Dora doit avoir maintenant en permanence de 10.000 à 12.000 hommes : Russes, Français, Yougoslaves, Tchèques, Polonais. Tous les mois un transport arrive de Buchenwald pour remplacer les morts.
Les travaux du tunnel sont activement poussés ainsi que la construction des blocks extérieurs et vers la fin mars, tous les détenus couchent au camp et le tunnel étant terminé, les installations nécessaires à la fabrication des V 1 et V 2 commencent.
Changement de kapo et Vorarbeiter en kommando, je ne sais pourquoi. Le nouveau kapo est un homosexuel allemand, mais qui ayant déjà son giton, ne s’occupe pas de nous. Quant au Vorarbeiter, nous avons la triste surprise d’avoir le « gorille ». Sans arrêt sur notre dos, le goumi à la main, il active le travail et le rendement.
Heureusement pour nous, ce chantier s’achève trois semaines plus tard et nous sommes envoyés faire une nouvelle route qui rejoint Nordhausen, à l’entrée du tunnel. Nouveau kapo, nouveaux Vorarbeiter, gueulards mais sans plus, mais le travail est dur et comme nous sommes loin du camp, garde SS.
Nous avons parmi eux, un Français (?) naturalisé Allemand qui nous dit avoir choisi l’Allemagne plutôt que ce pays pourri qu’il a quitté !…
Sur ce chantier, une voie ferrée longe la route. Des wagons sont souvent arrêtés. Il nous est arrivé, en prenant les précautions utiles, de verser du sable dans les boîtes des essieux, malheureusement un jeune Polonais (il avait peut-être 17 ans et était interné depuis trois ans) a été surpris. Roué de coups, il a été au retour au camp, mis au bunker et nous n’avons jamais eu de nouvelles. Je ne crois pas pourtant qu’il ait été pendu, car presque tous les dimanches les SS nous gardaient sur la place d’appel pour que nous assistions à Lino ou plusieurs pendaisons.

Dora s’agrandit, nous sommes plusieurs centaines à abattre les arbres de la forêt qui entoure le camp et à monter de nouveaux blocks. L’enceinte électrifiée a été terminée mi-décembre.
Avant il n’y avait que cordons de sentinelles et de chiens, mais tellement serrés qu’une évasion n’était pas possible, surtout avec nos crânes rasés, notre tenue et notre ignorance du pays. Un Soviétique l’a tenté. Repris, nous l’avons vu défiguré par les coups, debout sur un toit en pente, jusqu’au moment où il s’est écroulé d’épuisement.
Le revier qui comprend trois bâtiments côte à côte a été terminé à la mi-janvier 1944. Il est rempli sans arrêt. Au début, un médecin français âgé a rendu de grands services. Allant le voir le soir après le travail nous avions droit à un « Morgen weiter » qui équivalait à une journée de repos. Mais un contrôle strict des SS a stoppé cette facilité à laquelle nous avions recours à tour de rôle.
Le froid a été très vif de décembre 43 à mars 44. La pluie prend le relais, toujours pelles et pioches dans la boue, après avoir goûté aux bourrasques de neige et aux coups de vent glacial.
La soupe aux rutabagas ou aux choux avec une ou deux pommes de terre ; une fois par semaine, soupe aux nouilles appréciée car elle est assez compacte…
Comme dans tous les camps les bobards sont journaliers, aussi invraisemblables que nombreux ; pourtant des Tchèques, travaillant à la réparation des postes de T.S.F. des SS réussissent à capter des nouvelles, mais rares sont ceux qui peuvent en bénéficier car, contrairement à Buchenwald, il n’y a pas de réseau organisé pour la diffusion des nouvelles, pas plus que, pour la solidarité qui ne s’exerce qu’individuellement.
Depuis longtemps nos galoches sont brisées. Il y a un immense tas de sabots de bois gardé par un Polonais. Mais ces sabots sont de taille 36 ou 37 et personne ne peut s’en servir. Nos galoches sont réparées par des bouts de fil de fer enroulés autour du pied.
En janvier, nous en touchons une paire ainsi qu’une veste rayée et certains un caleçon. Nous avons reçu un carré d’étoffe devant servir de chaussettes russes.
Depuis notre installation au camp il est possible de se laver. Bien sûr, ni serviette, ni savon, mais au moins de l’eau.
Le régime est toujours aussi dur. 12 heures de travail. Appel matin et soir (1 heure, 1 heure et demie), des coups, la faim. Le crématoire toujours fumant. Sur les 200 Français du mois d’octobre 1943 nous restons peut-être 50.
Nous apprendrons le débarquement allié du 6 juin presque officiellement, assorti du commentaire : « Les forces allemandes se sont retirées afin de permettre une avance des alliés pour mieux les écraser. » L’enthousiasme est limité par un énervement plus grand des SS qui se traduit par des coups de gueule et des coups tout courts, encore plus fréquents.
Pourtant, tous, nous imaginons que l’hiver 44-45 et le printemps 45 séparent encore ceux qui survivront de ce moment.
Dora est maintenant un grand camp. Plus de 200 blocks. L’Effetkammer a été construite, un grand bâtiment. Les détenus continuent d’arriver de Buchenwald.
Une voiture de pompiers a été affectée au camp. Elle est conduite et occupée par des Polonais qui reluisent d’orgueil ! Cette voiture devait être moderne en 1912 et de quel musée a-t-elle été extraite ?
De même deux grands bassins ont été construits et remplis d’eau. Nous sommes en juin et nombreux sont ceux qui, rentrant du travail, y plongent. Cela ne durera pas et après quelques jours… interdit.
Le 14 juillet, grand rassemblement. Plusieurs milliers d’hommes quittent Dora pour Ellrich et Harzungen afin de travailler au tunnel de Wansleben où se percent, dans les mêmes conditions que celles de Dora à ses débuts, des galeries souterraines destinées à la construction d’usine.
Je fais partie de ce convoi qui quitte Dora avec une ration de vivre : une demi-boule de pain, 100 grammes de margarine, une rondelle de saucisson. Les rares survivants des « 20 000 » et « 21 000 » sont presque tous dans ce convoi qui part vers de nouvelles épreuves.
Texte publié en mars-avril 1977 dans Le Serment N° 115