Témoignage de Marcel LORIN

Julius – Schönebeck-sur-Elbe

Ce kommando Julius de Buchenwald fut créé en mars 1943. Situé à 15 km au sud de Magdebourg, il compte jusqu’à 1.800 détenus (dont environ 500 Français), employés à l’usine d’aviation Junker, attenante au camp.

En principe, un représentant de Junker les sélectionnait au camp de Buchenwald en les soumettant à un essai professionnel contestable.

La durée du travail à l’usine était de 78 heures par semaine pour l’équipe de jour et de 72 heures pour l’équipe de nuit (avec roulement hebdomadaire des équipes).

Les SS, tempérés par la direction de Junker, qui avait besoin de main-d’œuvre spécialisée, ne tentèrent pas d’exterminer systématiquement les détenus comme ce fut le cas dans d’autres kommandos. Cependant, là comme ailleurs,  » le camp n’était pas un sanatorium « .

Les 18 lits du Revier étaient insuffisants pour accueillir les malades, qui étaient alors ré-expédiés à Buchenwald ou en d’autres lieux. Ainsi, une certaine rotation d’effectifs étaient entretenue car, comme dans les autres camps, les deux appels quotidiens, les corvées, le froid, la faim, les coups, les brimades, le manque de soins, provoquaient les effets néfastes que l’on connaît. Ce n’était donc qu’un camp très ordinaire !

Le 12 avril 1945 les SS évacuèrent le kommando et sa succursale « Tarthuh » (usine souterraine installée dans une des mines voisines de Stassfurt). Un certain nombre de détenus – parmi lesquels plus d’une centaine de Français – put s’évader avant le passage de l’Elbe, obstacle considéré comme devant permettre aux troupes allemandes d’y contenir momentanément l’avance américaine.

Le camp d’Orianenburg

Par de nombreux détours, la colonne parvint à proximité du camp d’Oranienbourg, sur le point d’être délivré par les troupes soviétiques, et poursuivit sa route vers le Nord en s’agglomérant à l’évacuation des détenus de ce camp.

Cet exode prit fin le 4 mai dans la région de Parchim. Les 500 rescapés avaient parcouru environ 450 kilomètres en 23 jours de marche à pieds. Ils avaient reçu 4 ou 5 pommes de terre tous les 2 ou 3 jours, ramassé quelques pissenlits, picoré quelques grains de blé subsistant encore sur le sol des granges où ils étaient enfermés la nuit, et certains avaient mangé crus les chiens qui traversaient imprudemment la colonne.

500 « finalistes » ! Qu’étaient devenus les autres ?

Quelques-uns s’étaient évadés, ou trop affaiblis, avaient pu décrocher grâce à la protection de deux SS autrichiens contactés à cet effet par le seul médecin français du kommando.

D’autres étaient morts, mais combien ? Les traînards étaient abattus à l’arrière disait-on : les nombreux cadavres gisant dans les fossés des chemins et abandonnés par les colonnes précédentes semblaient pouvoir justifier ces affirmations. Il reste encore à confronter les témoignages de cet exode pour connaître l’exacte vérité. Malgré les nombreux récits parus sur la Déportation, l’histoire des évacuations demeure bien incomplète.

Soulignons encore qu’au sein d’une organisation clandestine de Résistance, ou très souvent individuellement, de nombreux détenus français ont continué le combat. La production fut sabotée, la solidarité organisée; les bons de cantine distribués à quelques uns par Junker, furent rassemblés et partagés entre tous.

Ceux qui agirent ainsi crurent tenter de conserver leur dignité d’homme.

Texte publié en avril 1965 dans Le Serment N° 65