La construction des “grand” et “petit” camps

A ce rythme infernal de travail, Buchenwald dispose bientôt de 34 baraques de bois installées en rangées de cinq et clôturées par des kilomètres fils de fer barbelés électriques à 350 volts, deux bâtiments en dur de deux étages, les bureaux administratifs, la villa du commandant, les casernes des SS, les cuisines et la laverie, les garages, les entrepôts, une porcherie pour nourrir les SS, une écurie, deux chenils pour des chiens dressés à donner la mort, 23 miradors, 26 cellules d’arrêt.

 Dessin N°85 de Boris Taslitzky : "Chantier dans le petit camp. Construction des nouveaux blocks"

Dessin N°85 de Boris Taslitzky : “Chantier dans le petit camp. Construction des nouveaux blocks”

En octobre 1939, une petite partie du camp se voit encerclée d’une double rangée de barbelés : on l’appelle déjà le petit camp et il se compose de quatre grande tentes dans lesquelles s’entassent essentiellement 1700 prisonniers polonais et autrichiens.
La vie y est effroyablement dure. Le capitaine SS Hütting y fait installer le ” block du fouet “, et s’amuse à venir, accompagné d’officiers SS avec environ 25 fouets, pour choisir au hasard des victimes.
Au cours du seul mois de novembre 1939, le petit camp connut 12 jours de jeûne absolu.
Pour des raisons inconnues, ordre est donné par la hiérarchie du camp d’en finir avec ce petit camp. C’est en janvier 1940, soit mois après son installation.
Sur 1700 hommes arrivés en octobre 1939, 1.100 ont péri, et les 600 survivants seront transférés dans le camp général. Ils pèsent entre 35 et 40 kilos, sont envoyés travailler dans la carrière de pierre, et il n’en restera bientôt plus que 40. (Témoignage du déporté Tchèque, Felix Rausch, dans ” The Buchenwald Report”, Westview Press, 1995, pp. 271-274).
En 1942, un autre petit camp est construit, au moment où commencent l’internement massif de déportés étrangers.

 Dessin N°83 de Boris Taslitzky. " Chantier dans le petit camp, près des tentes "

Dessin N°83 de Boris Taslitzky.
” Chantier dans le petit camp, près des tentes “

Eugen Kogon, déporté autrichien, résistant, catholique, emprisonné sept ans à Buchenwald et auteur du rapport le plus complet sur le camp, qu’il rédige immédiatement après la libération de Buchenwald (” l’Etat SS, le système des camps de concentration allemand “, collection Points histoire) décrit en ces termes la situation effroyable du Petit Camp : ” Au lieu d’aller aux latrines, ils (les déportés) utilisaient presque tous leurs assiettes ou leurs pots, soit parce qu’ils étaient trop faibles pour sortir du block, soit parce qu’ils craignaient d’être volés pendant leur absence, soit enfin parce qu’ils n’arrivaient pas à sortir des couchettes surpeuplées. Fréquemment, ceux qui étaient logés dans les couchettes les plus élevées passaient sur le toit pendant la nuit, en soulevant les planches et le carton bitumé, et ils y répandaient leurs immondices. L’imagination humaine parviendrait difficilement à se représenter cette réalité “.
Dix sept baraques seront construites, les hommes s’entassent à six ou huit sur une couchette, l’aération et la lumière font cruellement défaut, il n’y a pas d’écoulement des eaux, les latrines sont dehors, et l’on compte 1.500 à 2.000 hommes par baraque.`

Le ” petit camp ” sert de lieu de ” quarantaine ” (période d’isolement théorique de quarante jours destinée à éviter la propagation de maladies et d’éventuelles épidémies) à tous les déportés qui arrivent.
Les nouveaux déportés s’entassent par milliers auprès des plus malades dans des conditions d’insalubrité inimaginables. On compte environ 200 morts par jour, la faim rabaisse les déportés au rang de bête. D’affreuses batailles se déroulent, allant parfois jusqu’à la mort, pour une miette ou une épluchure.

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