La nourriture des déportés à Buchenwald

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Dessins de Boris Taslitsky : « Repas pendant la demi-heure de repos »`

La faim est permanente à Buchenwald et dans ses kommandos, mais la situation devient catastrophique fin 1944 -1945. La ration quotidienne d’un déporté pour douze heures de travail forcé est de 1 litre de soupe, 200 g de pain, parfois une tranche de saucisson, une petite cuillère de margarine, un ersatz de café (eau chaude appelée café), parfois un minuscule supplément.

Dans la soupe nagent quelques morceaux de pommes de terre, de navets ou de rutabagas souvent à moitié pourris. La viande, quand il y en a, provient fréquemment de bêtes malades, et est souvent dans un tel état de décomposition avant d’arriver dans la gamelle des déportés, qu’elle n’est surtout pas donnée aux animaux. Les 150 chiens des SS de Buchenwald reçoivent d’ailleurs un régime très préférentiel.

La faim

Avec un tel régime, les déficits alimentaires chroniques conduisent à une maladie qu’à Buchenwald on appelle la  » Buchenwaldite  » et qui tue les déportés par milliers. Elle se traduit par un amaigrissement tel que le déporté perd d’abord toute sa graisse, puis sa masse musculaire qui fond ; il atteint alors l’état de squelette vivant. A ceci s’ajoute un œdème important des jambes et des doigts, et une rigidité mentale qui tourne à l’obsession : manger n’importe quoi et parfois à n’importe quel prix ; on se bat pour laper une goutte de soupe par terre, on vole, on tue pour des épluchures de pommes de terre.

Robert Antelme la décrit ainsi, cette faim « qui déforme la figure, tend les yeux. (…) le poids de l’estomac vide, les mâchoires immobiles « , le copain Jo qui crie à ses camarades déportés: « on le sait qu’on ne bouffe pas. On le sait qu’on a faim (…) Fermez-la, vous allez devenir fous. Si vous voulez bouffer, c’est facile : (…) à l’usine, allez lécher le cul au « Meister »(contremaître), montrez-lui que le copain ne travaille pas (…) Mais n’en parlez pas toujours. Vous êtes des politiques, nom de Dieu ! Vous ne comprenez pas que ça continue, la Résistance, non ? »  (in L’espèce humaine, éditions Gallimard, 1957).

Dessin de Léon Delarbre. Koula resquilleur. Buchenwald, Juillet 1944
Dessin de Léon Delarbre.
Koula resquilleur. Buchenwald, Juillet 1944

La nourriture des chiens des SS

La nourriture d’un chien de SS coûte environ trois marks par jour contre moins d’un mark pour un déporté (témoignage du déporté allemand Willy Schmidt, arrivé à Buchenwald en 1937). Chaque chenil est divisé en trois espaces : l’espace jour, l’espace nuit et l’espace vitalité où les bêtes peuvent courir et s’entraîner à la chasse à l’homme. La pâté de ces tueurs est un mélange de céréales, de viande et de pommes de terre, et d’un lait spécial de régime, si l’un d’entre eux est malade. Du temps du Kommandant Koch, dont le sadisme et la cruauté sont tristement célèbres dans les archives de Buchenwald, les porcs recevaient souvent, sur décision du Kommandant, une partie ou même toute la nourriture destinée au block des déportés Juifs.

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Dessin de Léon Delarbre : Mort de faim. Dora. Mars 1945

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