Le kommando de ROTTLEBERODE

Autres appellations : « Heinrich »

Localisation : A 30 km à l’Ouest de Sangerhausen, à 15 km à l’Est de Nordhausen (Carte N°5)

Ouverture : 13 mars 1944

Évacuation : 4 avril 1945. Une partie des déportés arriva malheureusement à Gardelegen et fut sauvagement massacrée

Effectifs : 385 hommes au départ. En tout, ce furent 1.600 hommes qui passèrent par Rottleberode

Activités : Sous le sigle « Thyra Werke », les déportés travaillèrent pour le compte des usines Junkers Flugzeug und Motorenwerke. Us effectuèrent également des travaux de construction sous le code A5. Ce codage spécial désigne l’aménagement de souterrains naturels ou déjà existants, c’est à dire de grottes, de mines ou de tunnels ferroviaires. « A5 » en l’occurrence désigne l’aménagement de la grotte de gypse de Rottleberode, appelée « die Heimkehle ».

Remarque : Rottleberode fut un kommando de Buchenwald jusqu’au 28 octobre 1944, date à laquelle il passa sous la tutelle du camp de Dora.

Le terrain de l’entreprise de porcelaine « Max Schuch » fut réquisitionné pour être transformé en camp, avec l’infrastructure habituelle aux camps, c’est à dire les baraquements pour les SS, les miradors, les barbelés, les baraques pour les déportés, une baraque abritant les chiens des SS (ils étaient 10 à Rottleberode), enfin la maison de la famille Schuch qui avait été transformée en Schreibstube (bureaux administratifs de la SS) où travaillaient également quelques détenus.

La vie à Rottleberode fut, d’après les documents dont nous disposons et qui nous viennent du district de Sangerhausen, terrible. Des chambres misérables et minuscules avec des châlits de 80 cm de large sur trois niveaux pour les déportés, 250 g de pain par jour, une petite cuillère de marmelade et un litre de vague soupe. La malnutrition fut telle que les détenus furent très vite rendus à l’état de squelette.

Sous la direction de l’officier Gabrowsky, le kommando fut relativement « supportable ». Par contre, il devint l’incarnation de l’enfer sous la conduite du SS Brauny, le successeur de Gabrowsky.

Stéphane Hessel témoigne. Il y arriva le 4 novembre 1944 et fut affecté au poste d’aide-magasinier. « (…) Levés à 3 heures du matin, une heure et demie d’attente avant d’être conduits à la grotte. Nous arrivons donc vers cinq heures sous les coups et les hurlements d’un kapo hystérique au travail. L’usine était chauffée. A midi, un litre de soupe. A 5 heures du soir, retour au camp. Nouvelle attente sur place. Puis l’appel, qui pouvait durer 10 minutes par beau temps, mais se prolonger sur plus d’une heure par mauvais temps.21 heures, distribution du pain avec un bout de saucisse ou de margarine. A 22 heures, on s’effondrait entre deux camarades sur un châlit de 80 an de large. A 3 heures du matin , tout recommençait. ».

Karl Semmler, l’un des rares survivants de la grange de Gardelegen, témoigne de façon identique, rappelle que les installations sanitaires étaient inexistantes à Rottleberode ou quasi-inexistantes, que le camp fourmillait de poux, de puces et de punaises, qu’aucuns soins n’étaient possibles, puisqu’il n’y avait aucuns médicaments. Deux médecins (déportés eux-mêmes) furent envoyés au kommando de Rottleberode. Parmi eux, un français, le Dr. Gandor, de Strasbourg.

166 S.S. furent responsables de la surveillance de ce kommando durant son existence. Le commandant fut le SS Sturmführer Kaschinski. Les déportés travaillaient dans la grotte de gypse ainsi qu’au creusement des galeries souterraines de Stempeda (codé sous le sigle B4), pour l’aménagement d’un terrain industriel de plus de 8000 m2, à l’abri de tout bombardement. La collaboration entre supérieurs SS et industriels fut permanente. Le directeur des usines Junkers AG se rendait personnellement à Buchenwald et Dora pour aller chercher

son «matériel humain». Les usines Junkers finançaient l’entretien du camp.

Le 4 avril 1945, la mine de gypse de Rottleberode fut évacuée.

L’évacuation fut elle aussi terrible. Une partie des déportés fut convoyée direction Buchenwald, et arriva dans un premier temps le 5 avril à Niedersachswerfen. Les déportés de ce transport furent arrêtés entre Schwarzfeld et Mariental par le feu des bombardements aériens. Le 7 avril, après avoir enterré leurs morts, ils repartirent, mais restèrent en gare de Mieste jusqu’au 10 avril, là encore, empêchés d’avancer à cause des bombardements. Le 10, soit 6 jours après la ration alimentaire qu’ils avaient reçue à Rottleberode, le voyage continua, à pied cette fois, en direction de Solpke, Breitenfeld, Zichtau, Wiepke, Esstedt, Ackendorf, Gardelegen. Le 11 avril, 1.200 prisonniers de différents kommandos, arrivèrent à Gardelegen, et furent entassés dans une grange sans boire, ni manger. Us y restèrent jusqu’au 13 avril, où ils reçurent 2 livres de pain. Le soir du 13, 1038 prisonniers furent transférés dans une autre grange, la plus tristement célèbre, la grange de Isenschnibber à Gardelegen. C’est ici que le commandant Arhardt Brauny alluma une cigarette, après que la grange ait été aspergée d’essence, et fît flamber la grange. Les malheureux qui tentèrent d’échapper au brasier fut abattus. 22 hommes en réchappèrent.

Ceux qui n’avaient pas pris le convoi de Brauny transitèrent par Quedlinburg (également un kommando de Buchenwald), Orschersleben, Seehausen, Haldensleben, où ils furent victimes d’un massacre par des jeunes du Arbeitsdienst. Ce n’est que le 16 avril, douze jours après le départ de Rottleberode, qu’ils arrivèrent à Oranienburg-Sachsenhausen, camp qui fut lui-même libéré le 21 avril 1945.

(in Le Livre Mémorial de l’Association Française Buchenwald Dora et Kommandos)

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