BIOGRAPHIE

Bertrand est né à Paris le 24 avril 1930. Les origines de la famille Herz sont rhénanes, puisque son grand-père est né à Francfort. La famille maternelle (Lambert) est lorraine. Les deux familles sont de confession juive. Bertrand a grandi au Vésinet, à l’ouest de Paris. La sœur aînée de Bertrand, Françoise, a six ans de plus que lui, et son frère, Jean-Claude, quatre ans. Après un passage à Agen, où la famille s’est réfugiée lors de la débâcle de 1940, son père, Willy, démobilisé, retrouve sa femme, Louise, et leurs trois enfants au Vésinet. Bertrand raconte lui-même que la vue des soldats allemands lui inspire de la peur et de la haine, mais pas en tant que juif car, écrit-il plus tard, sa « famille est assimilée au point de ne pas se préoccuper de ses origines. ».



Quand les affiches annoncent les premières fusillades de communistes et de juifs, et surtout en juin 1942, quand Bertrand doit porter l’étoile jaune pour se rendre au lycée Condorcet, une prise de conscience aigüe du danger qui guette sa famille l’étreint. Par chance, ses camarades de classe et la population en général leur témoignent solidarité et respect. Bertrand, ses parents et sa tante Margot, la sœur cadette de sa mère, partent en septembre 1942 pour la zone non occupée. Le passage par la campagne d’Angoulême se fait sans embûche. À Toulouse, ils retrouvent la sœur et le frère de Bertrand, qui les ont précédés en juillet, et d’autres membres de leur famille.
Les Herz vivent dans des hôtels puis dans une maison, dont ils louent un étage. Au lycée Pierre de Fermat, personne ne se préoccupe de savoir si Bertrand est juif ou non, ni pourquoi il est là.
Hélas, le 11 novembre 1942, la zone sud est occupée par l’armée allemande, et pour Bertrand, c’est le retour de la peur. Les Herz subissent les restrictions alimentaires. Les arrestations de juifs se précisent et à Valence, une famille de cousins, avec six enfants, est arrêtée. Seul l’ainé des enfants rentrera d’Auschwitz.
Le 5 juillet 1944, des policiers français arrêtent Françoise et son fiancé, Claude Lazarus, au centre- ville, rue du Taur. La Gestapo trouve malheureusement l’adresse de la famille Herz sur la carte d’identité de Françoise et vient arrêter, à leur domicile, Willy, Louise et Bertrand. Dans Le pull-over de Buchenwald, Bertrand écrit à propos de son frère aîné : « Mon frère Jean-Claude a échappé à l’arrestation. C’est la période des vacances scolaires, et il a trouvé un emploi de précepteur en mathématiques auprès du fils du maire de Grenade, petite ville de la région de Toulouse. Convoqué par un officier allemand qui veut savoir où se trouve son autre fils, mon père répond en substance : Vous pouvez me fusiller, mais vous ne saurez rien. » Ils sont emmenés à la caserne Caffarelli, d’où ils repartent pour l’Allemagne par le convoi I.252 (recensé par la Fondation pour la mémoire de la déportation), le 30 juillet 1944. Dans la liste des convois de la déportation des Juifs de France, il s’agit du n° 81.
Ils parviennent à Buchenwald dans la nuit du 5 au 6 août 1944. Louise et Françoise continuent vers Ravensbrück. Bertrand sera marqué à jamais par cette séparation sans un au-revoir, d’avec sa mère qu’il ne reverra jamais.

Willy (matricule 69591) et Bertrand (matricule 69592) sont envoyés au Block 61 (celui des invalides) du Petit camp. Quant à Claude Lazarus, déporté avec toute la famille Herz, il sera transféré au Kommando de Plömnitz-Leau (une mine de sel). Il y meurt le 1er décembre 1944. La famille n’a jamais reçu de ses nouvelles.
L’un des grands souvenirs de Bertrand au camp est d’avoir fait partie de la chorale organisée par Pierre Halbwachs, le fils du grand professeur Maurice Halbwachs et excellent musicologue, dans les latrines du Petit camp, où les SS ne pénétraient pas. Il raconte dans son ouvrage Le pull-over de Buchenwald : « J’ai chanté avec mes camarades un largo de Haendel, un aria de l’opéra Serse, … Mais, ce qui est resté le plus vif dans mon souvenir, c’est d’avoir appris dans ces latrines du petit camp tous les couplets et refrains du Chant des marais. »
Entre le 13 et le 15 décembre 1944, Willy et Bertrand sont affectés au Kommando de Niederorschel en Thuringe, dans les usines Junkers, au montage d’ailes d’avions.
De septembre 1944 àt janvier 1945, huit lettres ont été échangées entre les membres de la famille Herz, de Ravensbrück à Buchenwald et vice versa, acheminées par la poste allemande. La dernière lettre écrite par Louise à son mari a même été renvoyée de Buchenwald jusqu’à Niederorschel.
À propos de ces lettres, Bertrand a écrit : « Étrange époque, où les nazis tuaient les détenus (mon père devait mourir le 27 janvier 1945), mais faisaient suivre soigneusement leurs courriers. »
Les lettres originales, en mauvais état, ont été déposées en juin 2007 au Mémorial de la Shoah.

Willy meurt le 27 janvier 1945 à Niederorschel. Les déportés de ce Kommando sont évacués le 1er avril 1945 et parviennent à pied à Buchenwald le 10 avril, veille de la libération. Bertrand est rapatrié à Paris le 29 avril 1945. C’est plus tard qu’il apprendra la mort de sa mère, survenue le 29 décembre 1944. Françoise, sauvée et soignée par la Croix-Rouge suédoise, ne rentrera qu’en juillet 1945.

Recueilli par sa tante Margot et son mari, il reprend ses études et sort diplômé de l’École polytechnique en 1953. Il fréquente l’École du Commissariat de la marine et le croiseur-école Jeanne d’Arc, avant d’être affecté à l’escadre de Méditerranée de 1953 à 1957. Il se spécialise en informatique au Centre mécanographique de la solde, de 1958 à 1960, et deviendra commissaire principal honoraire.
Bertrand et Marie-Jeanne se marient en janvier 1959. Trois enfants naîtront, Olivier, Florence et Véronique.
Bertrand intègre la compagnie d’assurances La Paix et sera adjoint du directeur administratif, chef de division responsable de l’organisation administrative et de la mécanographie, de 1960 à 1965.
Au groupe Thomson, de 1965 à 1985, il occupe divers postes à responsabilité dont celui de directeur du service informatique.
De 1985 à 1994, il enseigne la conception des systèmes informatiques aux étudiants et aux adultes, en formation continue, à l’Institut universitaire de technologie de l’université Paris V.
Il adhère à l’Association française Buchenwald Dora et Kommandos en 1947 et rejoint ses instances en 1994. Secrétaire général adjoint puis secrétaire général entre 1997 et 2005, il participe à la rédaction du Mémorial et organise des stages de formation des accompagnateurs pour les visites des camps de Buchenwald et de Dora. Il devient co-président de l’AFBDK entre 2005 et 2008, puis vice-président, de 2009 à 2021.

Bertrand Herz lors d’un voyage à Buchenwald avec des élèves du lycée Clemenceau de Nantes, en 2010 © Isabelle Violet

En 2000-2001, il est devenu aussi co-président du Comité International Buchenwald Dora (CIBD) et président de 2001 à 2016, à la suite de Pierre Durand. En 2016, il est président d’honneur, jusqu’à son décès en 2021.


Chevalier de l’Ordre national du mérite en septembre 2006, citoyen d’honneur de la ville de Weimar en octobre 2009, il reçoit aussi l’Ordre du mérite du Land de Thuringe en avril 2010. Il reçoit les insignes de Chevalier de l’Ordre national de la Légion d’honneur à l’Élysée, le 13 avril 2011. Sa promotion au grade d’officier de l’Ordre national du mérite est publiée au Journal officiel le surlendemain de son décès.

Bertrand a écrit deux ouvrages d’informatique avec des collègues enseignants, en 1988 et en 2006.
Il consigne ses mémoires dans Le pull-over de Buchenwald, publié en 2015 aux éditions Tallandier. Le livre connaît un beau succès et sera réédité en poche (collection Texto chez Tallandier). Il paraît en allemand, traduit par Franka Günther, en 2016, sous le titre Der Tod war überall.
Bertrand Herz est mort à Paris, le 20 mai 2021.
Olivier Herz et Jeanne Ozbolt