BORDET Édouard KLB 40694

ÉDOUARD BORDET, TÉMOIN DE L’ENFER NAZI, À L’HONNEUR

Certes, la France doute d’elle-même. L’Europe, ce « vieux continent », semble naviguer à vue, davantage orientée par les écueils populistes à éviter que par un véritable projet donnant sens au monde entier.
Dans beaucoup de pays de notre planète, on déplore aspirations à la paix outragées et droits fondamentaux bafoués.
Mais ne l’oublions jamais, la mémoire des violences du passé est aussi celle des promesses fondatrices. Et des promesses tenues.
Maire de Grenoble, les rencontres de la mémoire ont constitué pour moi des moments toujours forts, souvent émouvants. Des moments où l’on se sent immensément redevable de ceux qui ont fait face aux pires épreuves pour nous permettre de vivre libres.Le magnifique courage opposé par les Grenoblois à la terreur et au crime au long de l’automne sanglant de 1943 a valu à notre ville de recevoir la croix de la Libération des mains du Général de Gaulle le 5 novembre 1944.Déporté à Buchenwald à la suite de la manifestation patriotique du 11 novembre 1943, Édouard Bordet a vécu l’enfer du camp de Dora où étaient fabriqués les missiles V2. 60.000 déportés de 21 pays y sont passés, transformés en travailleurs forcés. 20.000 y sont morts, la plupart au bout de quelques semaines, des suites des conditions atroces de vie et de travail.
Édouard Bordet prit des risques extrêmes en cherchant à saboter ces missiles qui, lancés sur l’Angleterre et la Belgique, se révélèrent particulièrement meurtriers et dévastateurs.
Le 11 avril 1945, des unités de la IIIe armée américaine libèrent le camp où ils ne découvrent que quelques centaines de détenus vivants, mais dans un état de dégradation physique et moral inimaginable.Édouard Bordet est revenu chez les siens à Grenoble. Une vie consacrée au travail de mémoire. Il reste l’un des 3 déportés grenoblois encore vivants. Toujours président isérois de la FNDIRP.
Il avait jusqu’alors refusé de recevoir la Légion d’Honneur, répétant « pourquoi moi, qu’ai-je fait de plus que les autres? »
C’est finalement à 94 ans, des mains de mon ami bâtonnier Jean-Michel Detroyat, qu’il a reçu les insignes de chevalier de la Légion d’Honneur, en présence de sa famille, de ses camarades et de ses amis.
Un moment particulièrement émouvant et digne, à l’image de l’hommage remarquable que lui a rendu Jean-Michel Detroyat, qui avait été mon adjoint à la mairie de Grenoble, en charge des relations internationales et du devoir de mémoire.

7 avril 2019


Grenoble commémore le 11 novembre 1943

Comme partout en France, Grenoble a commémoré ce lundi 11 novembre l’armistice de la première guerre mondiale. Mais une autre commémoration a précédé cette cérémonie dans la capitale des Alpes : celle du 11 novembre 1943.

Par France 3 Alpes

Place Pasteur, à deux pas du Parc Paul Mistral, dix anciens résistants ont bravé le vent glacé pour assister à la cérémonie. Parmi eux, Edouard Bordet, 88 ans.

Il y a 70 ans jour pour jour, il s’était rendu au même endroit pour célébrer l’armistice de la guerre 14-18. Mais Grenoble était sous occupation allemande. Acte de résistance et de défiance, ils furent plus d’un millier à entonner, comme lui, la Marseillaise devant le monument des Diables bleus, élevé en la mémoire des chasseurs alpins morts au combat lors de la première guerre mondiale.

375 d’entre eux furent déportés. Pour Edouard Bordet, 18 ans, se fut Buchenwald puis Dora.

Entre la Marseillaise et le Chant des partisans interprétés par un choeur d’enfant, cette cérémonie a été l’occasion de dévoiler la nouvelle stèle en hommage aux déportés-résistants du 11 novembre 1943. Reportage

11 novembre 1943, un rescapé raconte

Manuel Pavard

Publié le 05/11/13 à 00h00

En septembre 1943, les troupes allemandes entrent dans Grenoble, alors sous occupation italienne, instaurant une répression sans précédent. La ville et l’Isère commémorent, à partir de mardi, les 70 ans des événements de l’automne 1943. Parmi eux, la tragique journée du 11 novembre : 369 Isérois arrêtés ce jour-là, lors d’une manifestation, sont déportés dans les camps de concentration. Seuls 120 en reviendront, dont Edouard Bordet, l’un des 10 rescapés encore en vie. Ce fils d’un cheminot résistant avait alors 18 ans.

Buchenwald et Dora

«Une semaine avant le 11 novembre, la Résistance avait édité des tracts appelant à la grève et à une manifestation, raconte-t-il. Le matin, on est parti déposer une gerbe à la Porte de France mais le pont était barré par des gardes mobiles à cheval. On est parti vers la place Grenette, où on a conspué la milice, puis au monument des Diables Bleus [parc Mistral] en chantant La Marseillaise. Au moment de repartir, les Allemands nous ont pris en tenaille. » Sur 1500 manifestants, plus de 600 sont arrêtés. «Ils ont relâché femmes, enfants et jeunes de 16 ans car à 18 ans, on pouvait rejoindre le maquis. Après trois nuits à la Caserne de Bonne, on a été envoyé au camp de transit de Compiègne et le 17 janvier 1944, j’ai pris le convoi pour Buchenwald. En février, ils m’ont expédié au camp de Dora où on fabriquait les fusées V2. C’était terrible, beaucoup sont morts, notamment du typhus, et on travaillait 12 heures par jour.» Au bout de 13 mois, Edouard Bordet est évacué de Dora par les Allemands, qui fuient l’avancée des Alliés, et après moult péripéties, est libéré par les Russes, le 1er mai 1945, puis remis aux Anglais. «Je suis arrivé en juin à Grenoble, avec mes 40 kilos.»