ANESETTI Hubert KLB 49825

Né le 26 avril 1923 à Saint-Claude dans le Jura. Fils d’agriculteurs? sa famille est originaire d’Introbio en Lombardie. Elle a quitté l’Italie dans les années 1920 pour fuir le régime fasciste de Benito Mussolini.

Hubert Anesetti est l’aîné de la famille qui est composée de quatre frères et une sœur, morte en bas âge.

Dans sa jeunesse, il est très assidu à La Fraternelle, la Maison du Peuple de Saint-Claude, connue de tous les habitants, et fréquente régulièrement le cinéma au début de la Seconde Guerre mondiale. Il joue au handball dans l’équipe locale. Bien intégré dans la communauté italienne, chaque jour il aide sa famille à transporter le lait, dans des « bouilles à lait [1]» (de 40 kg), de la ferme de Diesles, au-dessus de Saint- Claude où ils habitent, jusqu’à l’épicerie Herzog.

Il travaille dans une fabrique de pipes puis à l’usine d’ébonite[2] comme ouvrier mouleur.

De mai 1943 à novembre 1943, Hubert Anesetti fait partie des Chantiers de la jeunesse instaurés par l’État français au Châtelard en Savoie. Ces jeunes doivent effectuer leur service militaire en faisant des travaux d’intérêt général, comme la construction de routes ou l’aide à la population. En novembre 1943, il est convoqué au STO (service du travail obligatoire) pour aller en Allemagne mais refuse et ne s’y rend pas.

Hubert Anesetti entre ainsi dans la résistance et rejoint le maquis du Haut-Jura avec une fausse carte d’identité au nom d’André Gaston Gindre. Il intègre d’abord l’Armée Secrète du général Delestraint, puis les M.U.R. (Mouvements Unis de la Résistance).

Le 9 avril 1944, jour de Pâques, désireux de revoir sa famille, il se rend à Saint-Claude. En chemin, il croise son père et son frère qui ont été réquisitionnés par les Allemands pour leur livrer 40 litres de lait sous peine d’exécution.

Hubert Anesetti est arrêté à la Crozate par l’armée allemande et conduit sur la place du Pré à Saint-Claude où 301 hommes, âgés de 18 à 45 ans, sont pris en otage. Cette rafle fait suite à l’opération Frühling, organisée par le général Pflaum en représailles des actions des maquis du Jura.

Le lendemain, le 10 avril, ils sont conduits à la gare et transportés par train spécial. Sur les wagons on peut lire : « Terroristes du Haut-Jura ». Leur convoi arrive le 12 avril au Frontstalag 122 à Compiègne. Hubert devient le matricule 31921. Il y restera jusqu’au 12 mai 1944, date de son départ pour Buchenwald. Ce convoi comprend 2073 hommes, parmi eux, de grands noms de la Résistance et bien sûr tous les hommes raflés à Saint- Claude.

Ils arrivent à Buchenwald le 14 mai sans avoir quasiment rien eu à manger et à boire, certains sont morts de faim et de soif, d’autres sont devenus fous, d’autres encore décèdent lors de leur arrivée.

Envoyé en quarantaine au camp des tentes dans le Petit camp, on lui affecte le matricule 49825 qu’il doit apprendre par cœur en allemand. Le 6 juin 1944, il est envoyé au Kommando de Wieda et est affecté à la construction d’une voie ferrée. Il y restera jusqu’ au 30 juillet.

Après l’arrestation du commandant du camp que ses supérieurs jugent laxiste à l’égard des déportés, ils sont transférés à pied au Kommando de Dora. Il est affecté à la construction d’un puits à l’extérieur du tunnel, ce qui le sauvera certainement.

Durant l’hiver 1944, affamé, il mange de l’herbe et, souffrant du froid, il se protège avec un sac de ciment. Les SS, l’ayant aperçu, le rouent de coups de schlague. Il subit de nombreux sévices de leur part.

En octobre 1944, le Kommando de Dora devient autonome sous le nom de Mittelbau-Dora. Dans le camp, les déportés assemblent les fusées V1 et V2 sous la direction de l’équipe des spécialistes (Wernher von Braun, Arthur Rudolph). Une partie d’entre eux sera après-guerre enrôlée par les Américains et construira, de nombreuses années plus tard, la fusée qui ira sur la lune dans le programme Apollo.

Le 4 avril 1945, devant l’avancée des troupes alliées, le camp est évacué et les déportés partent pour certains en train à destination du KL Bergen-Belsen. Hubert arrive au camp des casernes de Bergen-Belsen le 9 avril 1945. Il est libéré le 15 avril par les Britanniques, est rapatrié le 30 avril et arrive à Saint-Claude le 2 mai 1945.

À son retour, Hubert Anesetti, qui pèse 45 kilos, souffre de différentes maladies. Il est soigné à partir de septembre 1945, tout d’abord à Chaux-des-Crotenay, puis à Dole et finalement à Arosa en Suisse.

Après sa convalescence, en septembre 1948, il est admis au Centre des Mutilés de Guerre[3] de Mulhouse comme élève et devient radio électricien. Reprenant des études, il est nommé en 1952 professeur d’électronique dans ce même établissement. C’est là qu’il rencontre Joséphine Ziegler, qui est infirmière.

À l’été 1953, Joséphine Ziegler présente Hubert Anesetti à ses parents et ils se marient en 1954. Un fils, Jean, naît le 21 décembre 1955. Hubert travaille au Centre jusqu’en 1982. Il se rend à Saint-Claude chaque année pour participer à la commémoration du 9 avril, tradition poursuivie par son fils.

Il devient membre de l’Association Française Buchenwald, Dora et Kommandos, membre de l’UNADIF[4] du Haut-Rhin et de l’UNC[5] de Burnhaupt. Nommé président de l’Amicale des anciens du Centre de Réadaptation, il s’occupe de son jardin et participe aux manifestations patriotiques avec l’UNC.

Il décède à l’hôpital d’Altkirch le 3 septembre 2008 à l’âge de 85 ans. Il n’a jamais voulu évoquer sa déportation devant son fils.

Joséphine et Jean Anesetti confient sa tenue de déporté au Mémorial de Buchenwald, où elle est exposée dans la collection permanente du musée.

En 2011 Jean Anesetti a réalisé un court-métrage « Matricule: 49825 », retraçant ses recherches sur le parcours de son père. Ce film est disponible sur le site de la Mairie de Bernwiller :

https://ammertzwiller-bernwiller.fr/hubert-anesetti/index.html

Hubert a été fait Chevalier de la Légion d’Honneur. Il est titulaire de la Médaille militaire.

Jean Anesetti , Anne Furigo et Jeanne Ozbolt

Josephine et Hubert Anesetti en 1984 ©Jean Anesetti
Commémoration du 11 novembre en 2004 © UNC

[1] Terme employé en Franche-Comté, au Tyrol et dans le Tessin pour désigner un gros bidon en métal.

[2] Matériau dur résultant de la vulcanisation du caoutchouc utilisé dès 1878 à Saint-Claude, pour remplacer le bois dans la fabrication des pipes.

[3] Devenu Centre de Réadaptation

[4] Union nationale des associations de déportés, internés et familles de disparus.

[5] Union nationale des combatants