Le kommando de ELLRICH-THÊATRE

Autres appellations : ELLRICH PETIT CAMP

Localisation : ELLRICH-GARE (Carte N°5)

Ouverture : Mai 1944

Évacuation : 04/04/1945

Effectifs : 800

Activités : SS BAUBRIGADE 4

Ce kommando, connu sous le nom d’Ellrich-Théâtre ou « petit camp » d’Ellrich, n’a aucun rapport avec le sinistre kommando d’Ellrich-Gare ou « grand camp » d’Ellrich.

En mai 44, la SS Baubrigade 4, dont le camp central est à Wuppertal, vient s’installer à Ellrich afin de réaliser le Helmetalbahn, une voie ferrée reliant directement Nordhausen à Herzberg par la vallée de la Helme, libérant ainsi le complexe de voies ferrées qui desservent les nombreux chantiers en construction autour de Dora.

Le 6 juin, 300 Français arrivent à Ellrich-Théâtre portant l’effectif à 826 détenus. Ils sont accueillis amicalement par des Russes et des Polonais qui sont arrivés de Wuppertal, d’où ils ont rapporté des quantités de seaux de confiture.

Le camp, qui vient d’être installé dans le Bürgergarten, une sorte de restaurant-salle des fêtes désaffecté, est inauguré le 11 juin.

La superficie du terrain, d’environ 2500 m2, comprend une salle de « théâtre » et un bâtiment contigu, tous deux équipés de châlits sur 4 niveaux, ainsi qu’un petit kiosque à musique. Au centre, la place d’appel est ornée de 2 énormes tilleuls centenaires. Les Russes ont investi la grande salle de théâtre dont la température est plus clémente et l’accès plus aisé. Les paillasses individuelles sont constituées d’une enveloppe à base de fibres de bois tressées que chaque détenu doit remplir avec les copeaux de bois qu’on a stockés dans le kiosque. Dans un petit bâtiment en parpaings, une fosse servant de latrines répand ses odeurs chlorées. Il n’y a pas de douches. Cependant les 800 détenus disposent de 6 robinets d’eau.

Le Revier est à Dora, mais à Ellrich un médecin polonais unijambiste est le responsable médical de la SS BB 4.

Selon un témoin, les détenus sont réveillés à 4h par un coup de sifflet, puis rassemblés sur la place d’appel où on leur distribue un ersatz de café. Ils partent ensuite au travail accompagnés du kapo Franz. C’est un Rouge allemand, blond aux yeux bleus et à la carrure athlétique, qui a été champion de boxe aux J.O. de 1936. Le 14 juillet, obligeant les Français à chanter, ceux-ci traversent Ellrich en chantant à tue-tête le « chant du départ ».

Le commandant SS, hautain et glacial, a une trentaine d’années. A l’appel, faisant demander un interprète, il prend plaisir à gifler et humilier un officier français qui se propose. Son adjoint, un sous- officier que les Russes surnomment Raspoutine, est un colosse corpulent et massif. Le chef de camp, un communiste allemand, veille à la juste répartition de la nourriture. Ernst, le chef de block, serait un ancien Député communiste au Reichstag.

Selon un témoin la nourriture est correcte. Les cuisiniers sont d’anciens officiers de l’Armée Rouge ayant échappé au massacre. Ils font une très bonne soupe, épaisse, à base de pâtes et de céréales avec parfois de petits morceaux de viande.

Un chantier du kommando consiste à agrandir Dora et à renforcer sa clôture. Pendant 12 heures sur la colline du Kohnstein, les détenus creusent, par équipes de 2, des trous d’un mètre de côté destinés à recevoir les poteaux d’une clôture électrifiée. L’argile compact rend le travail très pénible. Un autre chantier du kommando consiste à creuser un immense réservoir d’eau à l’emplacement d’un square du centre de Nordhausen, en prévision des bombardements alliés.

L’évacuation a heu le 4 avril. La plupart des détenus périront le 13 avril dans la tragédie de Gardelegen.

(in Le Livre Mémorial de l’Association Française Buchenwald Dora et Kommandos)


ELLRICH

Les cérémonies commémoratives conduites à Ellrich Juliushütte le 13 avril se sont déroulées sur un site totalement transformé. Comme le déclarait dans un discours
inaugural Louis Garnier, «malgré les efforts de deux citoyens de la ville d’Ellrich, monsieur et madame Eisenächer et ceux de Jugend für Dora, l’entretien de ce camp laissait à désirer ». Il est revenu à Philippe Reyx dont le père, St-Cyrien, résistant courageux et efficace, faisait partie du convoi des 77.000 et a été, la quarantaine terminée, envoyé à Ellrich, avant de disparaître dans un convoi parti de Bergen-Belsen, de mobiliser les amicales de Dora et de Buchenwald, de lancer auprès d’elles une souscription et de dynamiser les travaux de réhabilitation.
La végétation a été disciplinée. La ruine de la cuisine débarrassée de tout ce qui l’encombrait. Des allées ont été aménagées, d’autres nouvellement créées. De nouveaux vestiges du camp sont devenus visibles, notamment l’emplacement de l’ancien crématoire. Enfin, sept panneaux d’information ont été placés sur les principaux lieux de mémoire.
Ce travail a été mené dans le cadre d’une coopération étroite entre le Mémorial de Dora (Jens Wagner), la mairie d’Ellrich (Matthias Ehrhold et Gisela Schröder), celle de Walkenried (Frank Uhlenhaut), et l’association Jugend für Dora (Dorothée et ses amis). C’est cette association qui a rédigé et mis en place les panneaux et édité le dépliant de présentation du site. La reconquète Louis Garnier et Philippe Reyx, à Ellrich le 13 avril de la dignité du site a été suivie par la Commission Dora Ellrich et le directeur de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation qui ont financé une part importante des travaux. Les adhérents de notre association ont contribué à hauteur de 10% à cette réhabilitation exemplaire.
Extraits du discours de Louis Garnier
«Ce camp a été le pire de tous les camps annexes de Dora, pire encore, sans doute, que Dora lui-même à ses débuts. Des conditions de logement infectes, une nourriture de plus en plus insuffisante, douze heures par jour ou par nuit d’un travail harassant, les appels interminables par un froid glacial, les attentes de train engendrant le manque de sommeil, les vêtements en loques, voire inexistants, la promiscuité, les injures et les coups parfois mortels des SS ou des criminels de droit commun qu’étaient la plupart des chefs de block et des kapos,
des soins dérisoires malgré le dévouement de certains médecins et infirmiers, tout cela engendra un taux de mortalité exceptionnellement élevé.
Dans le convoi qui m’a emmené en Allemagne le 27 janvier 1944, le taux de mortalité des détenus envoyés à Ellrich est de 62%. Dans le convoi des 77.000, de sinistre mémoire, il est de 85%. Voilà des chiffres qui sont susceptibles de faire réfléchir les jeunes générations sur les méfaits des doctrines totalitaires. Et le camp d’Ellrich représente pour elles un cas exemplaire.»

Publié dans Le Serment N°332

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