N°383 – Janvier, février, mars 2022
La science à l’épreuve de la déportation
Qu’est devenue la science dans le contexte de la déportation ? Comment l’idéologie et le pouvoir politique nazis en sont-ils venus à contrôler le savoir scientifique ? Des spécialistes de plusieurs disciplines répondront à ces questions. Notre colloque concernera à la fois la science et les sciences humaines, juridiques, religieuses : comment penser Dieu sous le nazisme ? Comme chaque année, nous proposerons une journée d’ouverture. Elle portera sur l’hypersurveillance de pays totalitaires et sur le transhumanisme comme modèle idéal d’humanité.
Tout changement ou complément dans le programme sera publié sur https://theologie-catholille.fr
24 avril 2022 : deuxième tour des élections présidentielles, journée nationale du souvenir des victimes et des héros de la déportation et journée nationale de commémoration du génocide arménien
Paris, le 12 avril 2022
Votons pour défendre nos valeurs : appel à la mobilisation républicaine
Comme en 2002 et en 2017, notre pays se retrouve à nouveau, à l’issue du premier tour de l’élection présidentielle, dans une situation périlleuse. Face à ce choix crucial pour son avenir, nous voulons rester fidèles à nos valeurs humanistes.
La Fondation Charles de Gaulle, la Fondation pour Mémoire de la Déportation, la Fondation pour la Mémoire de la Shoah et la Fondation de la Résistance rappellent à tous les Français que voter est un droit, un devoir civique et une liberté fondamentale.
Dimanche 24 avril, nous devrons choisir entre deux modèles de société opposés : l’un garantit la préservation de nos valeurs républicaines et démocratiques, et de l’engagement européen de la France issu de la Seconde Guerre mondiale, quand l’autre les remet en question.
Ce second tour de l’élection coïncide avec la Journée nationale du souvenir des victimes et des héros de la déportation [et avec la Journée nationale de commémoration du génocide arménien]. Nous savons que le repli nationaliste, la prolifération des discours de haine et les atteintes aux droits de l’Homme caractérisent les régimes autoritaires et peuvent mener aux pires persécutions.
Au moment où le destin de notre pays est en jeu, dans un contexte plus incertain encore qu’en 2017 avec le retour de la guerre sur le sol européen, nous nous souvenons des leçons du passé et appelons à une mobilisation forte pour faire un choix clair en faveur des valeurs républicaines et démocratiques.
Fondation Charles de Gaulle, la Fondation pour Mémoire de la Déportation, la Fondation pour la Mémoire de la Shoah et la Fondation de la Résistance.
Discours d’Olivier Lalieu, Président de l’Association Française Buchenwald, Dora et Kommandos, au cimetière du Père-Lachaise le 11 avril 2022
Chers amis, nous sommes réunis fidèlement en ce jour anniversaire du 11 avril 1945, devant le monument en hommage aux déportés du camp de Buchenwald. A proximité demeurent les dépouilles des fondateurs de notre association, Frédéric-Henri Manhès et Marcel Paul, aux côtés de quelques-unes des figures de la Fédération nationale des déportés, internés, résistants et patriotes.
Ensemble, nous honorons leur mémoire et à travers elle, celle des milliers de Français déportés au camp de Buchenwald et des Kommandos extérieurs. Nos pensées vont d’abord aux morts, assassinés par les coups ou les balles des bourreaux nazis, ou victimes des sévices et des terribles conditions de vie qui leur sont imposées derrière les barbelés entravant leur horizon et leurs libertés.
Nous sommes en communion fraternelle avec nos amis et administrateurs de l’association aujourd’hui présents en Allemagne sur les sites des camps de Buchenwald et de Dora, et qui participent aux cérémonies officielles tenues par le CIBD, la Fondation des Mémoriaux et les autorités allemandes.
Vous le savez bien, notre hommage célèbre aussi tous ces hommes et toutes ces femmes des Kommandos extérieurs qui ont lutté contre l’occupant et contre le régime de Vichy, dans les ténèbres de la Seconde Guerre mondiale. Ils avaient refusé de céder face à la défaite et à l’effondrement ; ils avaient poursuivi avec courage et ténacité le combat au cœur de l’enfer concentrationnaire, rassemblant autour d’eux des citoyens de toutes obédiences et partageant avec constance l’idéal de la Résistance, mais aussi faisant vivre au plus haut point l’esprit de solidarité et de fraternité, les valeurs républicaines et démocratiques.
Nous demeurons plus que jamais admiratifs et en même temps redevables de leur force morale et de leur fidélité viscérale à ce qui fonde l’humanité.
Aujourd’hui encore, célébrer ces hommes et ces femmes, célébrer le 11 avril 1945, c’est exalter leur mémoire et celle de leurs engagements, mais c’est aussi réaffirmer notre absolu rejet de ce contre quoi ils s’étaient levés. Ils n’étaient pas d’accord sur tout. Ils croyaient ou non en un dieu quel qu’il fut. Leurs convictions politiques étaient pour le moins diverses, beaucoup étaient communistes, d’autres socialistes ou trotskystes, radicaux ou conservateurs, et d’autres non. Peu importe. Leurs conflits ne se sont pas éteints en captivité, ni après d’ailleurs, mais le plus souvent ils sont parvenus à dépasser tous les clivages pour se retrouver sur l’essentiel : survivre ensemble et non chacun pour soi et abattre l’hydre nazie. Et puis, ils voulaient aussi refonder une humanité meilleure, plus juste et apaisée, dans une espérance ô combien insensée et pourtant vitale.
Comment ne pas ressentir avec une vigueur décuplée ces idéaux dans la France et l’Europe de 2022 ? Comment ne pas espérer que la paix revienne au plus vite sur notre continent, mettant fin à une guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine au nom d’une prétendue dénazification, et vidant par là-même de son sens ce mot au contenu à la résonance pour nous, si forte et si essentielle.
Car certains aujourd’hui se réclament ou s’inspirent véritablement du nazisme ou de ses complices, et ils ne sont pas plus à Kiev qu’ailleurs. Ils sont en vérité dans de nombreux pays, notamment en France et en Allemagne dans des groupuscules ou des rassemblements qui complotent, qui propagent et qui cultivent le fanatisme. La xénophobie, le racisme et l’antisémitisme en sont les ferments, hier comme aujourd’hui, et ces fléaux-là malheureusement irriguent ou influencent à des degrés divers de larges franges de nos sociétés, y compris parmi ceux qui se présentent au suffrage universel.
Le 11 avril 2022 n’est pas le 11 avril 1945. Et pourtant…
En ce 11 avril 2022, devant la dépouille de nos fondateurs, alors que la France doit se choisir un nouveau président de la République, je veux rappeler avec force notre refus absolu de l’extrême-droite, de tout ce qu’elle représente, en rappelant le poids des souffrances et des tragédies qu’elle a infligé dans l’histoire. Face aux problèmes, aux difficultés, aux renoncements et aux abandons bien réels, les réponses ne sont pas à chercher dans le repli, le ressentiment, le fanatisme et la haine.
Gardons – nous aussi – l’espérance lucide chevillée au corps comme nos convictions antitotalitaires et républicaines. Et sachons nous tourner vers les nouvelles générations, vers cette belle jeunesse, qui nous observe et qui veut s’engager.
C’est la seule réponse possible à mes yeux qui préserve l’héritage moral légué par les survivants et les survivantes de la galaxie concentrationnaire de Buchenwald.
Soyons nombreux à le rappeler partout où nous le pourrons lors de la prochaine journée nationale de la Déportation.
Le 11 avril 1945, les résistants de Buchenwald se levaient contre les bourreaux nazis, alors que l’Europe allait se débarrasser grâce aux armées alliées et aux résistances de la terreur du IIIe Reich et de son idéologie funeste. Les barbelés des camps allaient s’ouvrir. Le monde allait pleinement prendre conscience de l’horreur concentrationnaire.
Le 11 avril 2022, ne laissons pas les porteurs de haine déconstruire la concorde républicaine et les valeurs démocratiques, et ériger de toujours possibles nouveaux barbelés.





Communiqué du Comité International Buchenwald, Dora et Kommandos

Chers amis,
Une bouleversante nouvelle nous est parvenue : celle de la mort de l’ancien déporté ukrainien, Boris Romantschenko, déporté par les nazis à Buchenwald, Peenemünde, Mittelbau-Dora et Bergen-Belsen, Vice-Président pour l’Ukraine au sein du Comité International Buchenwald Dora et Kommandos, tué à Kharkiv en Ukraine vendredi dernier, 18 mars 2022.
Son immeuble a été la cible de tirs, plusieurs appartements ont été touchés dont le sien. Il a trouvé la mort dans ces tragiques circonstances. Boris pouvait difficilement se déplacer dans les abris au sous-sol. Il avait 96 ans.
Son engagement pour le Serment de Buchenwald était entier. En 2015, le CIBD lui avait demandé de lire le Serment de Buchenwald appelant à la « construction d’un monde de paix et de liberté ». Il l’avait fait en compagnie de quelques autres déportés, chacun dans sa langue : Gaston Viens (France), Pavel Kohn (Rép. Tchèque), Ottomar Rothmann (Allemagne), Ed Carter Edwards (Canada), Aloys Maciak (Pologne).

L’absurdité d’une telle mort nous saisit tous de stupeur autant qu’elle nous plonge dans une très grande tristesse.
Personne n’imaginait une seule seconde que les rangs de nos anciens déportés, déjà si clairsemés, seraient endeuillés de cette façon.
Nous nous inclinons devant la douleur de son fils, de sa petite fille Julie, de ses proches, notamment d’Iwan Nemitchev, qui l’accompagnait chaque année à Buchenwald pour assurer sa traduction.
Paix à Boris Romantschenko, nous ne pourrons jamais l’oublier.
Courage à ses proches.
Lena Sarah Carlebach, Irmgard Seidel, Agnès Triebel et Cécile Desseauve
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Site internet du Mémorial en Allemagne :
https://www.buchenwald.de/fr/47/date/2022/03/21/boris-romantschenko-getoetet/
Communiqué Agnès Triebel RTL le 22 mars 2022 :
https://www.rtl.fr/programmes/le-journal-rtl/7900136571-le-journal-rtl-de-7h30-du-22-mars-2022
Nécrologie
Boris Timofejewitsch Romantschenko
Fondation des mémoriaux de Buchenwald et Mittelbau Dora
Boris Romantschenko naît en janvier 1926 dans le village de Bondari dans l’Oblast de Sumy, Ukraine. Après l’invasion de l’Union soviétique, les occupants allemands raflent fin 1942 tous les hommes de son village de 16 à 60 ans et les déportent vers l’Allemagne. Avec d’autres habitants du village, Boris Romantschenko est envoyé à Dortmund pour travailler dans des mines d’extraction de charbon.
Avec quatre autres personnes, il tente de s’échapper du camp de travail forcé. Ils sont très rapidement arrêtés par la police à la gare de marchandises de Dortmund.
Après être passé par les geôles de Dortmund, Bochum, Kassel et Weimar, il est transféré le 29 janvier 1943 à Buchenwald où il est placé au Block 61 du Petit camp. Il est notamment affecté au Kommando de la carrière.
Le 18 juin 1943, il est transféré avec environ 200 autres détenus à Karlshagen, sur la presqu’île d’Usedom, pour construire le nouveau camp extérieur de Karlshagen II, dépendant du camp de concentration de Ravensbrück rattaché à la station d’essais d’armements de Peenemünde. Après une attaque aérienne britannique, une partie des plates formes expérimentales, ainsi que les détenus du camp sont transférés dans les galeries du Kohnstein près de Nordhausen. C’est là qu’est installé, dès fin août 1943, le camp de Dora, annexe de Buchenwald, qui deviendra plus tard un camp de concentration à part entière. D’octobre 1943 à avril 1945, Boris Romantschenko est contraint aux travaux forcés à Dora.
En avril 1945, le camp de concentration est partiellement évacué, les détenus sont jetés dans des Marches de la mort ou transférés en train vers d’autres camps. Boris Romantschenko passe sept jours sans eau ni nourriture, entassé avec d’autres prisonniers dans un train qui les dirige vers le camp de concentration de Bergen Belsen. Il y est libéré par les troupes britanniques le 14 avril 1945.
Début mai 1945, il s’inscrit auprès de l’administration militaire soviétique et, après une période d’essai de trois mois, commence son service militaire dans la zone occupée par les Soviétiques en Allemagne. De retour en Ukraine en 1950, il travaille la journée comme secrétaire, et le soir, étudie pour l’obtention du diplôme d’ingénieur des mines. Plus tard, il travaille à la construction de machines agricoles. Boris Romantschenko vit à Kharkiv. Il a un fils et une petite fille.
Après le décès d’Emil Alperin en septembre 2009, il prend la fonction de Vice président pour l’Ukraine au sein du Comité International Buchenwald, Dora et Kommandos.
Le 18 mars 2022, Boris Timofejewitsch Romantschenko meurt dans le bombardement de son immeuble à Kharkiv, à l’âge de 96 ans.
22/03/2022