La Libération de Buchenwald au jour le jour

5 avril 1945

Le camp est surchargé : Plus de 45 000 détenus y sont entassés. En janvier sont arrivés des « évacués » des camps de la Pologne occupée. Ils sont marqués par les conditions de cette évacuation, l’épuisement, la faim, le froid. Ils sont dans leur majorité entassés dans les blocks du petit camp. Les plus jeunes, qui ont entre 8 et 20 ans, juifs polonais et hongrois vont être ces « enfants de Buchenwald » près de 1000, que l’organisation de résistance clandestine du camp va réussir à regrouper, notamment block 66, et sauver.

Depuis la fin du mois de mars, d’autres détenus travaillant dans les 88 camps extérieurs de Buchenwald, qui sont évacués devant l’avance des troupes américaines ou soviétiques ont rejoint le camp. Les malades y ont été abandonnés à leur sort ou exécutés.

Le 4 avril, tous les juifs présents dans le camp –nombreux depuis que les kommandos extérieurs avaient été évacués ont été « invités » à rejoindre la place d’Appel. L’ordre n’a pas été exécuté.

Le 5, les SS font défiler block par block tous les détenus et demandent aux juifs de sortir des rangs. Une partie d’entre eux obéit, d’autres sont choisis à vue par des kapos venus d’Auschwitz, 1500 sont finalement rassemblés et quittent le camp. Plus de 4 000 ont échappé à la rafle, dispersés, mélangés à la masse des autres détenus.

Le 5 avril les quelques résistants anglais et français membres du SOE britannique arrêtés en France et déportés à Buchenwald, tous internés au block 17 et qui ont échappé au sort de la majorité de leur compagnons, fusillés en septembre sont convoqués à la Tour, ce qui signe leur arrêt de mort. Ils sont cachés dans les sous-sol d’un block où ils resteront jusqu’au 11 avril

Pierre Mania : Blocks du petit camp.

 


6 avril 1945

47 500 détenus dans le camp. 22 900 dans le grand camp, Plus de 24 000 dans les « écuries » du petit camp.

La Gestapo de Weimar exige que lui soient remis 46 détenus de Buchenwald qu’elle considère comme les têtes de la résistance dans le camp. Parmi eux, effectivement, plusieurs dirigeants importants du Comité international de résistance et de ses directions nationales polonaises, tchèques et hongroises. Ils sont cachés en lieux sûrs.

Le commandant du camp, Pister, reçoit l’ordre d’évacuer les détenus de Buchenwald. Depuis le 1er avril, les SS ont commencé à fair partir du matériel et brûler des papiers. Le 3 avril l’appel des détenus a été supprimé. Le 4 avril, Pister a réuni dans le bâtiment du Kino les détenus – tous internés allemands – membres de la Bergungstruppe (services de secours) leur parlant « d’Allemand à Allemands » et leur disant savoir qu’il existait un poste émetteur clandestin grâce auquel des armes avaient été demandées aux Alliés, armes que les détenus étrangers utiliseraient pour assassiner les détenus allemands. La garnison SS était prête à les protéger. La manœuvre a échoué.

Les détenus du camp ont effectivement fabriqué deux postes émetteurs et ont établi un contact avec les Alliés depuis le 3 avril.

Les troupes de Patton sont au niveau de la ville de Gotha, à 45 kilomètres ouest de Buchenwald. Elles viennent de découvrir le camp d’Ohrdruf, abandonné, parsemé de cadavres, quasiment sans survivants. Elles ont ordre d’attendre. Patton va trop vite. La logistique ne suit pas…

Photographie du camp, avec à gauche le Kino©AFBDK

7 avril 1945

Ce n’est finalement que le 7 avril que les détenus, juifs pour la plupart, raflés le 5 avril quittent le camp, premier groupe de ces « marches de la mort » où des milliers d’hommes vont disparaître. Sortis du camp le 5, ils ont été rassemblés à l’extérieur dans les usines de la DAW. Séparés en deux colonnes, ils prennent à pied la direction de Flossenbürg, camp situé en Bavière à plus de 250 kilomètres de Buchenwald. Flossenbürg ne sera qu’une courte étape avant un nouveau départ vers Dachau où ne parviendra qu’un groupe de 300 survivants.

Cela ne suffit pas. A nouveau des SS pénètrent dans le camp, fortement armés, et, par la force, rassemblent des milliers d’hommes. Ils usent de la brutalité la plus grande, abattant à bout portant ceux qui tentent de résister, criblant les baraques de balles pour forcer les hommes à en sortir. Ils parviennent à réunir près de 6 000 détenus provenant essentiellement des kommandos évacués, notamment celui d’Ohrdruf.

1 400 hommes quittent le camp en train en fin de matinée, vers Leitmeritz, en Tchécoslovaquie où se situe ce camp extérieur de Flossenbürg. Il s’agit d’une usine souterraine d’armement. Ils parviennent à destination le 9 avril.

Un second groupe de 4 500 détenus quitte le camp à 14 heures, en direction de Flossenbürg, en train. Leur convoi suivra un itinéraire complexe en direction de la Tchécoslovaquie et, pour une partie, du camp de Dachau où il parviendra le 28 avril seulement, avec de rares survivants.

Photographie d’Ohrdruf prise par Pierre BODOT le 6 avril 1945 © AFBDK

8 avril 1945

Cette fois-ci, la totalité du camp doit être évacuée. Il semble que la volonté des SS soit de le faire disparaître. Son bombardement par des avions de la base aérienne, très proche, de Nohra est commandé. Des lance-flammes sont demandés à Weimar. Ces deux informations proviennent des communications téléphoniques interceptées par les détenus entre le Camp et le QG du prince Waldeck-Pyrmont, général de la SS, chef supérieur de la Police de la IXe région militaire, qui a installé son quartier général à Weimar fin février. Il est sur place pour superviser la manœuvre, le camp étant placé sous sa juridiction.

Pour accentuer la pression sur Pister, le commandant du camp, Waldeck-Pyrmont a fait fusiller, sur place, le 5 avril, le prédécesseur de Pister, qui avait été muté à Majdaneck en septembre 1941, le commandant   Karl Koch. Koch n’est pas resté longtemps à Majdaneck. Il est revenu à Buchenwald en juillet 1942, sans affectation particulière et a été arrêté fin aout 1943 et incarcéré à Weimar puis Jugé et condamné à mort en décembre 1944 pour « détournements de fonds et de biens appartenant aux détenus ». Son épouse, la fameuse Ilse Koch, surnommée la Chienne de Buchenwald bien qu’accusée de complicité est innocentée, mais sera jugée après guerre par le tribunal international de Dachau lors du procès de Buchenwald, en avril 1947 et condamné à perpétuité, pour « maltraitance envers les prisonniers. »

Ce dimanche, les SS parviennent à regrouper 4 800 détenus pour un transport qui partira à 21 heures en direction du camp de Dachau. Robert Darsonville fait partie de ce voyage. Il témoigne et des difficultés des SS à constituer ce transport, puis d’un long, long voyage qui le conduira à Salzburg en Autriche. Autre destin, celui de Pierre Ramade, longuement cité par Pierre Durand dans son ouvrage « La résistance des Français à Buchenwald et à Dora », éditions Delga 2020, p 271 et suivantes

Ilse Koch, surnommée la Chienne de Buchenwald, jugée après guerre par le tribunal international de Dachau lors du procès de Buchenwald, en avril 1947 et condamné à perpétuité, pour « maltraitance envers les prisonniers. »

8 avril 1945 (2e partie)

L’ingénieur aéronautique Marcel Bloch a été pris pour partir en transport, le 8 avril. « Je me trouvais sur les rangs, écrit-il dans ses Mémoires, lorsqu’un homme portant un brassard qui indiquait sa qualité de policier du camp, Lagerschutz, me dit : « suivez moi, vous êtes sous la protection du parti communiste ». Il me conduisit à un autre Block où le tri pour le départ avait déjà été fait, ce qui me permit d’attendre trois jours la libération du camp ».

Le futur Marcel Dassault a été placé en internement administratif par le secrétaire d’Etat à l’aviation du gouvernement de Vichy, le général Jean Bergeret, le 6 octobre 1940. Comme Dewoitine et Paul Louis Weiller, autres constructeurs aéronautiques juifs, Marcel Bloch est considéré comme un « individu dangereux pour la sureté de l’Etat » et accusé de « gestion non conforme. » Il est, pour Bergeret, à l’origine, avec ses deux autres collègues, de « l’impréparation de l’armée de l’Air en mai 1940. » Tenant d’une ligne très dure à l’égard des juifs, Bergeret transforme l’internement de Bloch en détention. En mars 1944 alors que Dassault, après de très nombreux transferts est incarcéré à la prison hôpital d’Ecully, il est remis à la Gestapo et conduit à la prison de Montluc, à Lyon. En juillet il est envoyé à Drancy. Le 17 août le commandant du camp, Aloïs Brunner, l’embarque avec quelques autres « personnalités-otages », dans le wagon d’un train de la Luftwaffe, qui sera rattaché au dernier convoi parti de Compiègne direction Buchenwald où Bloch, arrivé le 22, est immatriculé le 25 août avec un numéro déjà utilisé, celui d’un détenu décédé. La substitution est vite découverte par les SS. Bloch fait l’objet d’un intérêt certain. On lui propose de diriger une usine. Il refuse. Pour le protéger, la résistance du camp lui attribut un nouveau numéro matricule, et le cache au Revier, l’hôpital du camp, puis au Block 61 du petit camp. C’est de là qu’il a été chassé le 8 par les SS.

Le Lagerschutz qui a réussi à enlever Dassault du transport se nomme Karl Madiot. Notaire à Saint-Brieuc, il est arrivé au camp le 5 septembre 1943. Ce sont ses aptitudes militaires qui ont fait de lui l’un des responsables du groupe de choc de la brigade française d’action libératrice, les détenus armés de la résistance française dans le camp.

 


9 avril 1945

Un nouveau transport est en préparation : 5 000 détenus, regroupés dans les bâtiments de la DAW. Direction Flossenbürg, en train. Le transfert s’effectuera sur les derniers kilomètres à pied, le train ayant été bombardé.

Le 8 avril, vidant les Blocks méthodiquement et avec une brutalité inouïe, à coup de révolver, à coups de matraque, les SS se sont arrêtés au Block 44. Le 9, ils continuent le carnage. Madiot, le Lagerschütz, avec Lastennet, avec Arnould, chacun de leur coté, s’efforcent de faire sortir de chaque colonne qui se forme les Français. Ils en assurent officiellement l’encadrement et tentent des manœuvres audacieuses. Mener la colonne en ordre vers la Tour, la fameuse porte d’entrée du camp, mais faire effectuer à leur colonne un demi-tour dans le plus bel ordre avant la sortie et lui faire regagner son point de départ.. « Ce fut extraordinaire et efficace » écrira plus tard Pierre Durand. Perdre du temps sur l’évacuation, gagner du temps pour la libération.

Dans « Les jours de notre mort », David Rousset a dit le rôle officiel des Lagerschutz, cette police des détenus proposée en juin 1942 aux SS afin d’assurer ordre et discipline dans le camp, surveiller la circulation des détenus entre les différentes parties du camp, réprimer les vols. Mais loin d’être des supplétifs, les Lagerschutz sont au service de la résistance clandestine du camp, Rousset écrit qu’ils disposent d’une liberté de manœuvres exceptionnelle pour l’action clandestine. D’abord uniquement composée d’Allemands cette structure de l’administration détenue a fini par intégrer des étrangers. Son effectif total est de 120 hommes, dont 15 Français. De ceux-ci, Henri Guilbert , un FTP parisien, est le responsable. C’est lui qui a le contact avec les deux chefs de la résistance française dans le camp, Frédéric Henri Manhès et Marcel Paul, le gaulliste et le communiste. Ce dernier est en contact avec la résistance allemande sans laquelle rien ne peut être entrepris.

La Lagerschutz est un des éléments qui compose l’organisation militaire clandestine internationale de Buchenwald. En avril 1945, cette organisation repose sur huit cent cinquante membres répartis dans cent soixante dix-huit groupes agissant dans la plus absolue clandestinité. Les Français y tiennent une place importante. Eux mêmes sont regroupés au sein d’une Brigade française d’action libératrice, la BFAL, très organisée, et se préparant à un véritable soulèvement libératoire. Même si les évacuations fragilisent cette organisation, elle tient.

 


10 avril 1945

L’évacuation totale du camp doit s’achever. Trois nouveaux transports sont prévus, chacun d’environ 4 000 détenus. Le premier vers Flossenbürg, le second vers Dachau, le troisième vers Flossenbürg d’abord puis, en fait, Dachau. Le premier convoi aura pour destination finale Theresienstadt, 28 jours plus tard. Son parcours est jalonné de centaines de morts. Si on sait que dans chaque transport, on a souffert terriblement du manque de nourriture, ici on parle de cas de cannibalisme.

Le dernier convoi est retardé par un bombardement allié sur la gare de Weimar et ne partira que le 11 avril au matin.

Il reste un peu plus de 20 000 détenus dans le camp, loin d’être tous malades ou invalides. C’est un nombre d’hommes important, la moitié des effectifs initiaux, difficile à faire disparaître sans qu’ils résistent. Pourtant le commandant du camp décide d’organiser leur liquidation. Ce sont les ordres.

Il lui faut mobiliser sa garnison ; boucler le camp ; trouver des spécialistes de ce sale boulot ; bloquer les Américains qui arrivent.

La garnison présente au camp s’est réduite. Chaque départ s’est accompagné du départ d’environ 250 gardes d’encadrement. Il ne reste plus que 1 700 hommes. C’est peu face à des détenus déterminés et Pister sait qu’ils le sont, même si des forces vives préparées à la lutte ont été embarquées dans les évacuations. Le matin même, 800 prisonniers de guerre soviétiques prêts au combat, ou les détenus du block 26, des Français dont certains membres de la BFAL.

Pister a récupéré des réservistes, des vétérans du front de l’Est, des jeunes mercenaires ukrainiens, des vétérans de 14-18 enrôlés dans les milices et des Hitlerjugend. Mais ceux là ne sont pas de taille à faire les exterminateurs. C’est tout juste si ils peuvent composer un périmètre de défense autour du camp, remplacer des sentinelles.

Il lui faut un kommando d’assassins. Le nom de la division SS Das Reich a été évoqué. On se souvient de l’itinéraire sanglant qu’elle a suivi en France, en juin 1944, de Montauban vers les plages de Normandie. Elle a depuis rejoint l’Allemagne, a été envoyée à Varsovie, puis à Budapest. En mars 1945, elle est en Tchécoslovaquie où, en mai, les Américains la retrouveront. La Das Reich ne sera pas à Buchenwald.

Mais il est certain qu’un kommando de tueurs était en route de Weimar, le 11 avril.

Pour ralentir l’avancée des troupes américaines, une partie de la garnison du camp en coupe les principaux accès et met en place un large périmètre de défense qui opposera une forte résistance.

Erfurt, à moins de 20 kilomètres est en train de tomber aux mains de la 3e armée américaine. Bertrand Herz, évacué du camp extérieur de Niederhorschel, est très proche de Buchenwald, le 10 avril au soir et écrit, dans « le Pull-over de Buchenwald » (Tallandier 2015) « Le ciel derrière nous était plein d’illuminations, probablement ai-je pensé, les balles et les obus traçant des Américains » . Si l’on reconstitue son itinéraire, ce qu’il a fait après guerre, il vient effectivement de traverser, sans s’en apercevoir, la ligne de front et l’itinéraire suivi par l’une des deux colonnes de Blindés qui vont frôler et dépasser Buchenwald du coté nord est, le 11 avril.

Patton a repris sa marche en avant. Bataillon par bataillon on peut suivre l’avancée de ses troupes. Le 10 au soir, alors que la bataille d’Erfurt n’est pas terminée, les commandants des 4e et 6e divisions blindées se voient assigner un objectif : se saisir des ponts sur la Saale, la rivière qui traverse Jena, à l’est de Weimar et de Buchenwald. A l’est ! Les 6 colonnes de blindés qui sont formées vont suivre chacune un itinéraire différent, afin d’éviter de possibles embouteillages, tels ceux qui s’étaient produits pour la Wehrmacht dans les Ardennes en mai 1940 et aurait pu, si les troupes britanniques et françaises avaient réagi, arrêter, sinon ralentir, l’invasion de la France.

La 6e division blindée de la 3e armée américaine va donner l’assaut en traversant le plateau de Thüringe. L’une de ses unités la CT9 va longer l’Ettersberg, sa forêt, et le camp de Buchenwald. Dans ses rangs, le capitaine Benett. La 4e DB, elle, va passer plus au sud et se glisser entre l’Ettersberg et Weimar, un itinéraire plus difficile. Comme le relève, Georges Beauchemin dans son livre très documenté, Le triomphe de l’entendement, (Editions Amalthée 2020) , l’un des trajets possibles traverse Buchenwald.

Imaginons, fonçant d’Erfurt vers Jena, 6 colonnes parallèles de tanks, suivis d’engins chenillés, de camions, de jeep, de quelques milliers d’hommes, sur un front large d’une vingtaine de kilomètres, trouvant des points de résistance dans chaque village traversé, retardés par des ponts coupés, soutenus par un appui aérien de chasseurs bombardiers monomoteur Thunderbolt. Elles avancent vers l’Est.

Marche de la mort

11 avril 1945 – 1ere partie

« A l’issue de dix jours de marche, j’arrive au camp de Buchenwald le 10 avril 1945 vers dix heures du soir, écrit Bertrand Herz. Je vais avoir 15 ans, je suis épuisé, je ne sais pas où sont les Américains (…) j’ai une peur panique d’arriver dans cet immense camp que j’ai quitté quatre mois plus tôt. Que va-t-il m’arriver au milieu de cette foule de déportés et de SS. (…) Nous nous planquons, avec quelques camarades, dans le bloc 47 du grand camp et nous n’en sortons plus. (…) Nous passons la nuit du 10 au 11 dans la crainte et sans manger, car nous n’osons pas sortir du bloc ; le camp de Buchenwald garde un inquiétant mystère… ».

Pas d’appel, pas de soupe, pas de SS raflant des détenus pour organiser un convoi. Des bruits puissants d’artillerie lourde dans le lointain, des crépitements de mitrailleuses. Les combats se sont rapprochés

Hans Eiden et Franz Eichhorn sont convoqués par Pister à la Tour, la porte du camp, à 1O heures. Le premier est le doyen du camp, c’est à dire le détenu auxquels les SS ont confié l’administration interne. Il est au camp depuis septembre 1939, matricule 6222, après avoir été arrêté dés 1933 et emprisonné en 1936. Militant communiste et dirigeant de la Ligue contre le fascisme. Il est Lagerälteste depuis la fin 1944. Le second est interné à Buchenwald depuis janvier 1938. Opposant au régime, non communiste, il a été arrêté en 1935 et condamné en 1937. Coiffeur de son état, il exerce au camp son métier pour les hauts gradés et leurs épouses. Le 3 ou 4 avril Il a fait passer à Pister un message cosigné de quelques détenus importants : l’ancien ministre belge des Affaires étrangères Eugène Soudan, qui a rejoint la France Libre en 1942, été arrêté en aout 1943 et déporté en janvier 1944 ; le sous-secrétaire d’Etat français André Marie, arrêté en septembre 1943 et déporté en décembre ; le capitaine Christopher Burney, agent du SOE britannique, section F, arrivé en janvier 1944 et l’officier de marine hollandais Cool. Ceux-ci ont promis à Pister de témoigner en sa faveur dans leur pays respectifs si Pister n’obéissait pas aux ordres d’évacuation et de liquidation du camp. Le commandant a répondu « qu’entre un ordre et son exécution, il pouvait laisser s’écouler un certain délai ».

Le 8 avril, avec la complicité du docteur Ding-Schuler, qui dirige les expériences médicales et chimiques menées aux blocs 46 et 50, le détenu Eugene Kogon (qui sera le premier à écrire une synthèse, des 1946, sur le système concentrationnaire nazi sous le titre de L’Etat SS) son secrétaire, parvient à descendre à Weimar et à poster un courrier adressé à Pister, courrier prétendument rédigé par un militaire britannique. Pister y est menacé de poursuites si les évacuations continuent.

Le commandant du camp a reçu cette lettre le 10 avril.

Ce que Pister annonce, le 11 avril 1945, à 10 heures, à Eiden et à Eichhorn, c’est le retrait des SS, l’abandon du camp, dont, symboliquement, il remet les clés à Eiden.

Piège ou vérité ?


11 avril 1945 (2e partie)

10h15, La sirène Alerte ennemi retentit, puis les haut-parleurs donnent l’ordre aux troupes SS de quitter le camp immédiatement. Il faut entendre par camp non celui où sont internés les détenus, mais le camp dans son ensemble, avec ses casernes, ses bureaux, ses garages. Sur la ceinture de miradors qui entourent le périmètre du camp des détenus, des sentinelles restent positionnées.

A moins que la sirène entendue à 10h15 ne soit qu’une alerte aérienne et qu’une seconde alerte est retentie à 11h15, avant que l’ordre de quitter le camp ne soit donné aux SS qu’à 12h 10.

Les dirigeants du comité international qui coordonne la résistance interne du camp sont réunis. Est-ce à 10 heures, à 14 heures ? Cette fois-ci l’ordre est donné de distribuer les armes (un certain nombre ont été cachés dans la réserve à charbon du bloc 50), de prendre les positions prévues pour chacun. Quatre secteurs ont été définis. Un secteur rouge qui englobe les casernes SS. Un secteur bleu au delà des casernes vers Weimar. Un secteur jaune qui englobe le camp, la ferme et les usines les plus proches du camp. Un secteur vert qui englobe la gare et le karachoweg, la route qui relie la gare à l’entrée du camp. A chaque secteur correspond une section des barbelés d’enceinte. Secteur rouge de la porte du camp au mirador 10, secteur vert du mirador 10 au mirador 13 ; secteur bleu du mirador 14 au 18 ; secteur jaune du 18 à la porte d’entrée. Aux Français, Italiens, Belges et Espagnols a été confié le contrôle du secteur jaun

L’ordre insurrectionnel, les Français ont voulu le mettre en œuvre dès le 2 avril, appuyés par les représentants espagnols, yougoslaves et russes au comité international. « Nous étions partisans d’une action offensive, pensant qu’en restant dans le camp on avait de fortes chances de se faire tous liquider » écrit Pierre Durand qui ajoute « les Allemands eux, pensaient qu’il fallait attendre que le danger devienne vraiment imminent pour qu’on se défende en surprenant les SS ». Cette stratégie l’avait emporté.

Elle était donc mise en œuvre.

Les récits de la libération de Buchenwald on fait couler beaucoup d’encre, magnifiés par les uns, considérés suspects par d’autres, utilisés après la libération et parfois aujourd’hui encore, comme armes politiques.

Le Mémorial de Buchenwald affiche désormais dans le musée de Buchenwald, totalement repensé en 2015, une chronologie des événements du 11 avril qui s’approche sans doute de la vérité la plus exacte car recoupée par des dizaines de témoignages.

C’est vers midi, (insistons, vers midi) dit cette chronologie, que les hommes de la kommandantur SS décrochent et que les sentinelles des miradors s’enfuient. Jacques Moalic, dans le film d’Anice Clément, « Triangles rouges à Buchenwald » témoigne que, rentrant dans un local des SS, celui-ci lui paru avoir été quitté dans la précipitation, car les assiettes étaient encore pleine d’aliments et notamment de choux rouges cuits.

A 13 heures, les deux premiers chars de la 4e division de la 3e armée américaine sont à l’approche, venant du Nord Est.

A 14 heures d’autres chars, 12, arrivent dans la cour de la ferme, au Nord Ouest du camp.

A 14h30 des chars du 37e bataillon de la 4e DB passent la zone des SS au sud du camp sans s’arrêter, fonçant vers leur objectif, la rivière Saale.

A 14h45 ceux qui en ont la charge montent à l’assaut de la tour qui domine la porte du camp. Otto Roth, un membre du parti communiste allemand interné des 1933 et à Buchenwald depuis 1939 où il est le chef de l’organisation militaire clandestine en prend possession. Il est suivi par Hans Eiden qui hisse le drapeau blanc et à 15h 15 peut déclarer, dans les hauts parleurs du camp : « Camarades, nous sommes libres ».


11 avril 1945 (3e partie)

A 16 heures, les groupes internationaux des sections militaires du comité international ont pris le contrôle du large périmètre du camp faisant 76 prisonniers. Ce sont les sentinelles des miradors, qui ont tenu leur poste. Au total, deux jours plus tard, 220 prisonniers seront remis, quand elles arriveront, aux troupes américaine, qui, de leur cotés en ont fait quinze lors des combats du village d’Hottelstedt, à trois kilomètres du camp.

Les témoignages sont nombreux, coté Français, sur ces moments. Bertand Herz, qui est, rappelons le, arrivé le 10 au soir et s’est caché au bloc 47, entend au milieu de la journée du 11 « le roulement des chars (qui) monte » et voit « passer deux détenus le fusil à la main devant le bloc.(…) Puis des drapeaux blancs sont agités un peu partout. Nous comprenons enfin que nous ne devons plus avoir peur. Nous sommes libres et nous nous embrassons ». Quelques témoignages de combattants sont à retrouver sur le site de l’Association : Celui de Simon Lagunas (https://asso-buchenwald-dora.com/temoignage-de-simon-lagunas/) dont une version, plus développée, est citée dans l’ouvrage de Pierre Durand. Celui de Jean Le Lévrier (https://asso-buchenwald-dora.com/temoignage-de-jean-le-levrier/) et celui de Virgilio Pena (https://asso-buchenwald-dora.com/temoignage-de-virgilio-pena/).

Les archives de l’Association conservent les témoignages de Louis Ferrand, Charles Roth, André Lacour, Etienne Chaulet, Jean Marie Fossier et d’autres détenus. //asso-buchenwald-dora.com/le-camp-de-buchenwald/histoire-du-camp-de-buchenwald/la-liberation/ Et les livres, dont celui de Roger Martin, dernier convoi pour Buchenwald, (Le Cherche midi 2013), qui, bien que roman, s’approche beaucoup de la réalité.

16 h 45 Le Comité international se réunit. Henri Glineur et Gaston Joyaux y représentent la Belgique. Walter Wolf, Harry Kuhn, Ernst Busse et Werner Hilpert l’Allemagne ; Rudi Supek la Yougoslavie, Otto Horn l’Autriche, Henryk Mikolajczyk la Pologne, Ivan Smirnov, Nicolai Kiunk, Vassili Azarov et Serguei Kotov, l’Union Soviétique ; Aloïs Neumann et Frantisek Priester la Tchécoslovquie ; et Friedmann la Hongrie. Différentes commissions sont mises en place : sécurité, ravitaillement, santé, habillement, informations… où l’on retrouvent d’autres membres du Comité international dont Manhès pour la France, Domenico Ciufoli pour l’Italie, Nicolas Kaltschin pour l’URSS et Joseph Frank pour la Tchécoslovaquie.

Vers 17 heures deux éclaireurs de la 4e Division blindés sont les premiers à pénétrer dans l’enceinte du camp des détenus, par une brèche taillée dans les barbelés, coté nord : le lieutenant Emmanuel Desard et le sergent Paul Bodot. Ils sont affectés au Combat Command B de la 4e DB et ont quitté Gotha le matin. C’est en voyant, proche de leur route, un groupe de prisonniers en uniforme gardés par des civils en arme qu’ils se sont arrêtés. Un détenu belge les a mis au courant de la situation et proposé de les conduire du camp.

Son existence est depuis longtemps connue des Alliés, depuis 1940, et le 24 aout 1944 ils ont bombardé avec une assez bonne précision les usines et les villas SS proches du camp. Le 11 avril, sa localisation a été rappelée aux colonnes lors du briefing qui a précédé le départ. Mais la priorité, c’est les ponts sur la Saale et, au delà, l’Elbe où se fera la jonction avec les troupes soviétiques.

Assis sur le capot de leur Jeep, il les guide. Les 2 GI sont Français, engagés volontaires. Desard fait le point avec des chefs de l’insurrection, note les besoins et communiquera par radio à son QG leur liste. Bodot se rend au bloc des contagieux. (https://asso-buchenwald-dora.com/wp-content/uploads/2018/04/le_serment_120.pdf)

Avant de reprendre sa route et rejoindre son unité à Grosskimsdorf, Desard remet à Eiden une sorte de sauf-conduit sur lequel il écrit

« A tous les officiers alliés : Le porteur de ce message est le chef de tous les prisonniers politiques du camp de concentration de Buchenwald. »

D’autres Américains arrivent au camp alors que Bodot et Desard viennent de le quitter. On retiendra leur nom, plus que ceux de leurs prédécesseurs : le capitaine Frédérick Keffer et ses trois hommes, à bord d’une auto blindée à 6 roues ont quitté la trajectoire empruntée par la CT9 de la 6e DB pour « prendre le pouls » du camp comme l’écrit Georges Beauchemin. La CT9 rassemble le quart des forces de la 6e DB soit environ 3500 hommes. Elle est commandée par le capitaine Robert Bennet. Elle a quitté Bad Langensalza à 7 heures et devrait atteindre son objectif, la Saale vers 23 heures. Vers 12h-13h elle est à Hottelstedt, puis traverse Ettersburg, laissant sur sa droite Buchenwald. Keffer est en queue de colonne lorsqu’il se heurte à une quinzaine de SS poursuivis par des détenus russes, les interroge, prend conscience de la situation. Il rapporte à Benett et obtient d’aller jusqu’au camp accompagné de son « équipage », le sergent Gottshalk, le sergent Ward et le soldat Hoyt, qui conduit. Deux détenus les accompagnent. « Je franchis une brèche à travers les barbelés et nous pénétrâmes à l’intérieur du camp. Nous étions très loin de l’entrée principale laquelle se trouvait au sud, à l’autre bout du camp. Nous fûmes accueillis de façon délirante, leur accueil fut vraiment incroyable. Je fus soulevé par les bras et les jambes et lancé en l’air, rattrapé et relancé à nouveau (…). Lentement on me poussa et me tira à travers une foule de détenus jusqu’à leur quartier général. J’y rencontrai plusieurs chefs de leur organisation de résistance clandestine laquelle exerçait désormais le contrôle. Je dis que je demanderais par radio qu’on envoie des vivres et de l’aide médicale et leur demandai de faire leur possible pour éviter que des détenus s’aventurent loin du camp et interfèrent de sorte avec la progression de nos colonnes militaires alors en marche. Puis je parvins, tant bien que mal à regagner mon auto blindée, leur donnai toute la nourriture alors en notre possession puis je repartis retrouver notre colonne de blindés. »

Keffer fait son rapport à Bennet, et ce rapport parvient, en remontant la chaine hiérarchique au QG du général Grow, commandant la 6e DB, où il est reçu par le colonel Jim Moncrief.

Moncrief décide de se rendre à Buchenwald où il arrive vers 19h30, 20heures. Il visite un seul block et le crématoire où « sur les parois je vis de longues traces d’ongles laissées par ceux qui avaient tenté désespérément d’en sortir ».

Le rapport de Moncrief, fait par radio, est transmis à l’Etat major de la 3e Armée. Patton va réagir.

Deux autres Américains, Egdon Fleck et Edward Tenenbaum pénètrent dans le camp ce jour là, à 17h 30. Leur présence est la conséquence directe du rapport de Desard et Bodot. Accompagnants la 4e DB, Ils sont officiers du renseignement au sein de l’unité guerre psychologique du 12e groupe d’armée des Etats Unis, formation de l’armée américaine qui commande les quatre armées en campagne en 1945 et est placée sous les ordre du général Omar Bradley. Ils vont rester à Buchenwald une quinzaine de jours, bloc 50, et, aidés d’Eugen Kogon, vont rédiger un document historique.

Leur première impression, qu’ils consigneront par écrit, est qu’ils ont en face d’eux des êtres « barbares et désagréables à regarder… des sous-humains ». Ils sont les auteurs du fameux Buchenwald Report, dont des extraits seront utilisés au procès de Nuremberg,

(https://archive.org/details/EdwardTenenbaumEgonFleckPreliminaryBuchenwaldReport/page/n8/mode/2up)


12 avril 1945

« Pour la première fois, écrit Kogon dans l’Etat SS, le 12 avril 1945, se présentèrent à l’appel non plus en qualité de serfs de la SS, mais volontairement, en leur qualité d’hommes » les rescapés du camp. Pour Bertrand Herz, « c’est le premier appel de la liberté, der erste Appell zur Freiheit, écrit-il En haut du portail du camp, un grand nombre d’anciens détenus, les responsables de la résistance clandestine du camp, président la cérémonie. Parmi eux, je remarque la première casquette américaine, le premier « Amerloque » comme je les appelle. On chante la Marseillaise. »

Hans Eiden le « doyen » du camp lance un appel à la discipline, à la solidarité des antifascistes, et termine par « notre combat n’est pas encore fini. »

Bertrand Herz retourne ensuite au block 36 et passe « quelques longues journées sur un châlit, un vrai, pour moi tout seul, au rez – de – chaussée ». Il parcourt le camp, le visite. Il voit les monceaux de cadavres amoncelés près du crématoire, se rend à l’Effenktenkammer, le magasin d’habillement du camp où les détenus ont déposé leurs vêtements civils et autres objets à leur arrivée au camp. Il y retrouve la montre en fer tout a fait banale qu’il portait sous l’occupation.

Dans la nuit du 11 au 12 avril un portrait de Staline, un immense portrait, a pris place au frontispice de l’un des baraquements des prisonniers soviétiques, à l’angle ouest de la place d’Appel, près de la cantine du camp.

« Nous sommes le 12 avril, écrit Semprun dans les premières pages de L’écriture ou la vie (Gallimard 1994). L’histoire est fraîche, en somme. Nul besoin d’un effort de mémoire particulier. Nul besoin non plus d’une documentation digne de foi, vérifiée. C’est encore au présent, la mort. Ça se passe sous nos yeux, il suffit de regarder. Ils continuent de mourir par centaines, les affamés du petit camp, les Juifs rescapés d’Auschwitz.

Il n’y a qu’à se laisser aller. La réalité est là, disponible. La parole aussi ».

Plus loin, Semprun écrit aussi : ‘J’ai souvent fait le compte des jours, le compte des nuits. J’arrive toujours à un résultat déconcertant. Entre la libération de Buchenwald et mon retour à Paris, il s’est passé dix-huit jours, assurément. Il ne m’en reste dans le souvenir, cependant, que de très rares images. Brillantes, sans doute, éclairées d’une lumière crue, mais entourées d’un halo épais d’ombre brumeuse. De quoi remplir quelques courtes heures d’une vie, pas davantage (… ) Le fait est là, néanmoins. Je ne conserve de cette période que des souvenirs épars, décousus, de quoi remplir à peine quelques heures de ces longues semaines ».

Même constat dans les mémoires de Pierre Durand qui se souvient du 11 avril, du temps superbe qu’il faisait et conclut : « La suite se brouille dans mon esprit ».

C’est le 12 cependant qu’il est allé, avec Jules Franck, l’un des résistants membre du Comité des intérêts français « dans un village voisin où se trouvait la station de pompage qui fournissait le camp en eau et que les SS avaient fait sauter ».

Christian Pineau, dans la simple vérité, (Julliard 1960) évoque aussi le problème de l’eau à la date du 12 avril. « Le plus gros problème à résoudre. Nous organisons donc des kommandos qui, avec des tonnes, traînées à bras d’hommes, iront chercher de l’eau dans la plaine, au besoin jusqu’à Weimar ». Le matin il est allé visiter une par une, avec une équipe, les baraques SS « Nous trouvons quelques boîtes de conserves, du linge en bon état, que nous rapportons au camp dans une charrette ».

Le Comité Français se réunit l’après-midi. « Le bureau nous met au courant des premiers pourparlers avec les autorités américaines, écrit Pineau. Le camp, placé sous administration internationale sera ravitaillé tant bien que mal par l’armée Patton qui n’avait pas prévu un rassemblement de trente mille hommes(sic) sans vivres, sans médicaments, sans hygiène. Nous aurons à compléter nos rations en allant chercher dans la campagne ce que nous pourrons y trouver, ce qui équivaut presque à une autorisation de pillage. »

Dans le film d’Anice Clément, Triangles rouges à Buchenwald l’un des témoins raconte : « On est descendu jusqu’au petit village. Toutes les portes, toutes les fenêtres étaient fermées et on a vu arriver un homme qui nous a dit qu’il était du Front Rouge (organisation paramilitaire anti fasciste du Parti communiste allemand) et qui, malgré notre allure de bandit n’a pas eu peur de nous. On lui a dit « nous sommes les soldats de la liberté » et il a vu qu’on avait des visages humains quand même. Et puis les portes se sont ouvertes, les femmes sont arrivées. Un vieux cultivateur nous a donné un œuf chacun… ».


13 avril 1945

Sur la place d’Appel, la journée s’ouvre par un hommage au Président Franklin Delano Roosevelt, décédé la veille d’une embolie pulmonaire. « Pour beaucoup d’entre nous, écrit Bertrand Herz, encore sous le coup d’une libération imprévue, c’est une réelle tristesse ».

La cérémonie est simple et émouvante. Sonnerie aux morts et minute de silence. Christian Pineau se demande « si les Américains sauront jamais de quel immense prestige jouissait parmi nous cet homme malade, énergique… »

C’est en tout cas par un hommage à Roosevelt que quatre députés français internés dans le camp feront connaître, par un courrier, leur présence dans le camp, le 16, à son nouveau commandant: les socialistes Albert Forcinal, et Eugène Thomas et les radicaux Octave Crutel et André Marie.

En début d’après midi du 13 avril, les troupes américaines s’installent à Buchenwald et en prennent le contrôle. Le Commandant Lorenz C Schmuhl convoque et s’entend avec le Comité international du camp pour faire respecter un certain nombre de règles tout en confirmant l’autorité du Lagerälteste, Hans Eiden. Son interlocuteur est Walter Bartel, qui préside le Comité international et, aux cotés de Ernst Busse et d’Harry Kuhn est l’un des principaux dirigeants communistes du camp, où il est interné depuis 1939. Les directives du Commandant Schmuhl sont les suivantes : Veiller à maintenir l’ordre et le calme ; regrouper les détenus par nationalités, ce qui, dans la pratique, a déjà été réalisé ; remettre les armes aux autorités avant 18 heures.

« Cette dernière demande fut en général fort mal accueillie par les détenus – notamment les Soviétiques – écrit Pierre Durand, qui y virent une marque de méfiance à leur égard. La remise des armes s’effectua cependant sans incidents notoires ».

« Ce qui était le plus urgent, pour le nouveau Commandant américain, le Major L. C. Schmuhl, peut on lire dans l’introduction rédigée par Hackett au Buchenwald Report était de nourrir les milliers de prisonniers affamés, de soigner les cas les plus graves, d’enterrer les morts, de réparer l’équipement sanitaire.

Des années plus tard, quand il visite Buchenwald, en juin 2009, aux cotés d’Angela Merkel, Elie Wiesel et Bertrand Herz, le président des Etats-Unis, Barak Obama, rappelle qu’il a entendu parler de ce lieu tout petit, par son grand oncle, soldat du 89e régiment d’Infanterie, l’un des premiers américains à atteindre le camp. « Il est rentré de son service en état de choc, parlant peu et s’isolant des mois durant de la famille et des amis, seul avec ses souvenirs douloureux qui ne quittaient pas sa tête… Le commandant de mon grand oncle, le général Eisenhower, a compris cette réaction de silence. Il avait vu les piles de corps humains, les survivants affamés et les déplorables conditions que les soldats américains ont trouvées lorsqu’ils sont arrivés et il savait que ceux qui avaient été témoin de ces choses pouvaient être incapables de trouver les mots pour les décrire ».

«  Nous sommes nourris de pain et de viande. Faute d’eau ils nous est impossible de faire du café ou de la soupe » se souvient Pineau. Il nous faudrait du lait, des fruits, nous n’avons que des conserves. »

Le manque d’eau est problématique et, on l’a vu, la veille, Pierre Durand et Jacques Franck sont allés voir l’état des pompes qui approvisionnaient le camp en eau et qui ont été détruites. Sans pression, le système d’évacuation des eaux refoule, dégageant une puanteur dont les libérateurs et les visiteurs se sont longtemps souvenus. Un officier américain, du service médical, le Capitaine Robert DINOLT qui arriva au camp le 17 avril raconte : « J’ai vu les gens déféquer sur place, on pataugeait dans l’urine autour des baraques et des couchettes. »

Cette observation est confirmée par Pineau qui constate, le 13 avril, « que certains camarades, qui supportaient mal la discipline du bloc au temps des SS, essaient maintenant d’échapper aux règles d’hygiène et de propreté dont nous avions maintenu le respect. C’est ainsi que je flanque à Lopard, que je trouve en train de faire ses besoins le long du bloc, une formidable paire de gifles ».

Les ingénieurs américains réparèrent l’arrivée d’eau le 20 avril, après que le camp eut été 9 jours sans eau. Mais le système d’évacuation était toujours bloqué. Ils réquisitionnèrent des ex-Nazis pour enlever les excréments jusqu’à ce que le système d’écoulement soit en état.

L’arrivée, le 15 avril, du corps médical de l’Armée américaine évita une poussée violente de maladies, typhus et dysenterie, en lançant rapidement une campagne de décontamination, notamment par l’usage de D.D.T.


14 avril 1945

Avec les troupes américaines sont arrivés les journalistes attachés aux différentes divisions militaires et aux Unités spécialisés. Un bureau international de presse chargé d’accueillir les correspondants de guerre et autres journalistes est installé à la Tour, au dessus de la porte d’entrée. Pineau, qui avec Maurice Nègre ancien de l’Agence Havas, résistant, arrêté en octobre 1943 et déporté a participé à la création de ce bureau écrit que « ceux-ci ont déjà découvert plusieurs charniers mais ne se doutaient pas de l’existence d’un camp comme celui de Buchenwald. Notre surprise est extrême, ajoute Pineau, lorsqu’ils nous affirment que personne en France ni dans le monde ne soupçonnait notre tragédie. On nous croyait traités comme des travailleurs libres, à la rigueur comme des prisonniers de guerre… »

Un itinéraire de visite s’impose : En premier lieu le chevalet où étaient roués de coups les détenus. Puis le crématoire et sa cour alors remplie de cadavres. Et son sous-sol, où ont été exécutés par pendaison des détenus notamment britanniques et canadiens. Puis le Block 46, là où le médecin SS Erwin Ding Schuler était chargé de mener des expériences en vue d’étudier l’efficacité de traitements contre le typhus, la fièvre jaune, la variole, la typhoïde, le choléra, la diphtérie… sur des cobayes humains. Plus de 1000 victimes.

Mais le bloc 46, c’est aussi le lieu où ont été cachés un certains nombres de détenus, c’est là qu’ont été enterrés des poèmes clandestins, c’est dans une des salles annexes du bloc, son propre crématoire, qu’ont été dissimulés, après leur changement d’identité, Stéphane Hessel, Harry Peulevé et Yeo-Thomas.

Continuons à suivre l’itinéraire conseillé aux journalistes et photographes de presse.

Un peu à l’écart, la carrière du camp, par laquelle tous les détenus sont passés et où ont été exécutés les trop faibles, incapables de porter des pierres trop lourdes.

C’est maintenant la visite du petit camp et, dans celui-ci, du block des invalides, dont, le 14 avril, personne n’a été encore été évacué. Le moment le plus fort, le lieu où sont pris les clichés qui vont faire le tour du monde et qui symbolisent encore aujourd’hui la déportation dans les camps nazis. Jusqu’à 2000 internés par baraques, ces squelettes vivants que le photographe de l’Agence France Presse, Eric Schwab, accrédité auprès de l’armée américaine, saisit dans son appareil https://making-of.afp.com/eric-schwab-des-photographies-de-linhumain. A bord de sa jeep Spirit of Alpena, Schwab est passé par Ohrdruf et, après Buchenwald, ira à Leipzig –Thekla, l’un des kommandos du camp, puis à Dachau et enfin Terezin.

Poursuivons le chemin vers l’écurie, en dehors de l’enceinte, près du manège, ce bloc 99, celui du numéro de la ligne téléphonique attribuée au bâtiment. Réaménagé en faux cabinet médical, c’est ici qu’ont été assassinés d’une balle dans la nuque, de l’automne 1941 et jusqu’en 1944 des milliers de prisonniers de guerre soviétiques. L’aménagement a été modifié, peut-on lire dans Buchenwald par ses témoins, (Taillandier 2015), de telle sorte que l’exécuteur et sa victime ne se croisent pas. Les coups de feu sont tirés d’une salle séparée, le tireur passant le canon du révolver dans une fente aménagée dans le mur. A cet endroit là, la victime, convoquée pour une visite médicale n’aperçoit que la toise, instrument habituel dans les cabinets médicaux. Le transport des morts vers le crématoire se fait à l’aide d’un chariot revêtu de zinc. .. »

C’est au Revier enfin que la visite s’achève, cet « oasis dans le désert » comme le qualifie le petit guide à usage des visiteurs que nous venons de suivre.

Si l’image, comme l’écrit Marie Anne Matard-Bonucci « fut considérée comme un outil essentiel pour faire savoir ce qu’avait été la barbarie nazie », le récit écrit ou radiodiffusé, des journalistes est lui aussi une source d’information qui rend compte d’une situation jusqu’alors inimaginable. Des reportages sur les camps de concentration avaient bien été publiés avant guerre, des 1933, et encore en 1939, mais en avril 1945 ce que découvraient les reporters était souvent difficile à photographier, difficile à raconter. L’un des premiers reportages radio est celui du journaliste Edward R. Murrow diffusé le 17 avril sur CBS https://www.buchenwald.de/fileadmin/buchenwald/audio/ort/Edward_R._Murrow_-_Buchenwald_Report_1945.mp3. Que dit-il? « J’ai rapporté ce que j’ai vu et entendu, mais seulement en partie. Pour l’essentiel, je n’ai pas de mots. »

La presse découvrait l’indicible.


15 avril, 1945

Le général Patton est à Buchenwald. A Ohrdruf, qu’il a visité avec Dwight Eisenhower et Omar Bradley quelques jours plus tôt, le 12 avril, il s’est retiré derrière une baraque du camp et a vomi. http://archives.ecpad.fr/categorie/collections-2/2gm/videos2gm/ C’est après avoir vu Ohrdruf, qu’Eisenhower décide que chaque unité de l’armée américaine qui n’était pas en train de combattre sur le front devait visiter ce camp. « On nous dit que le soldat américain ne sait pas pour quoi il combat. Maintenant, au moins, il saura contre quoi il se bat ».

Après sa visite de Buchenwald, le général Patton exige du maire de Weimar, Erich Kloss, nommé par les Américains la veille à ce poste, qu’il fasse visiter Buchenwald aux habitants de sa ville. Ce dernier transmet à ses administrés, le 16, la directive suivante : « Le général commandant a ordonné la nuit dernière qu’au moins mille habitants de la ville, dont la moitié de femmes, visitent aujourd’hui le camp de Buchenwald et les hôpitaux qui y existent afin de se rendre compte des conditions qui y règnent avant qu’elles ne soient changées. Doivent prendre part à cette visite des hommes et des femmes de dix-huit à quarante-cinq ans – en premier lieu les membres du NSDAP [le parti nazi] dissous – parmi lesquels deux tiers appartenant aux couches les plus aisées et un tiers aux couches de la population les moins favorisées. Ils doivent être suffisamment forts pour supporter la marche et la visite durée : environ six heures ; marche : en gros vingt-cinq kilomètres. De la nourriture doit être apportée avec soi, mais elle doit être consommée avant la visite. Il n’arrivera rien aux participants. La marche sera accompagnée de véhicules de la Croix-Rouge allemande et de médecins de façon qu’il puisse être porté secours à ceux qui ne supporteraient pas ces efforts. »

La décision de Patton semble faire école. Partout, les populations allemandes seront contraintes de regarder en face la réalité des camps, une réalité que, bien souvent, elles affirmaient ignorer, écrit Annette Wieviorka en octobre 1998 dans le numéro 3 de la revue L’Histoire/ Collections

Ohrdruf, Buchenwald, du quartier général de la troisième armée, Eisenhower câble à Londres et Washington, demandant à ce que des délégations d’officiels et de journalistes viennent pour témoigner. Ainsi, un comité du Congrès, avec à sa tête le sénateur Alben Barkley du Kentucky, et composé de sénateurs et de membres de la Chambre des représentants républicains et démocrates, quitte Washington le 22 avril. Le 24, il est à Buchenwald ; le 1er mai, il visitera les restes de Nordhausen et y inspectera les usines de V1 et de V2. Le 2 mai, il sera à Dachau tout juste libéré. Ce comité rédigera un rapport de dix-sept pages, comportant une brève histoire des camps, l’analyse de leur fonction, ainsi que la description détaillée des trois camps visités.

Le 15 avril, le 120e Evacuation Hospital (EVAC) est dépêché sur les lieux pour secourir les malades et les mourants. Commandé par le Colonel William. E. Williams, c’est une grande Unité avec 21 médecins, 207 engagés, 40 infirmières. Elle a été activée en mars 1944 au camp de Shelby (Mississippi) et en décembre 1944 a pris le chemin de la côte est pour embarquer à bord du Queen Elisabeth, « The Lizzi », vers le port de Greenock, en Ecosse. A Noël 1944, elle cantonne à Tenby, Pays de Galles, « où se sont noués, écrira en 1946 le colonel Williams, beaucoup de romances autour du chewing gum et des cigarettes gratuites ». Début mars voici le 120e EVAC en France. Paris, Nancy, Lunéville, Rambervillers, Dettwiller en Alsace, l’entrée en Allemagne le 29 mars. Le 4 avril il est à Worms, où il traverse le Rhin et découvre « les autoroutes d’Hitler. »  Il rejoint à Francfort la 3e armée. Il s’équipe et, le dimanche 15 avril, prend la route d’Eisenach puis Erfurt, puis Weimar. « Le Major Long nous a guidés dans notre nouvelle zone et ce soir-là, nous avons planté nos tentes à l’ombre du Schloss Ettersburg, à quelques pas du camp de concentration de Buchenwald. Nous étions l’avant-garde des hôpitaux EVAC de la troisième armée» écrit Williams, qui ajoute : « Tout le monde connaît les horreurs qui ont été trouvées à Buchenwald. Tout le monde a lu l’histoire des tas de corps trouvés à l’extérieur du crématoire, tout le monde a vu les photos des tas d’os, a entendu les commentateurs décrire les restes trouvés dans les fours et raconter les abat-jours en peau humaine. Tout est vrai. Mais comment les mots et les images peuvent-ils à eux seuls transmettre correctement la souffrance qui existait? (…)(https://digicom.bpl.lib.me.us/cgi/viewcontent.cgi?article=1171&context=ww_reg_his)

Le 120e est opérationnel deux jours plus tard, après que le Capitaine Dinolt eut fait la tournée du Camp pour repérer les nécessités. Il estime que sur une population de 8000 à 10000 détenus, la moitié ont besoin de soins immédiats et que parmi ceux-ci, certains sont dans un tel état qu’ils ont peu de chance de survivre. La majorité de ces grands malades se trouve encore dans le Petit Camp où, des la libération, les médecins détenus ont commencé, avec très peu de moyens, à assurer des traitements « malgré le surpeuplement et la saleté », diront les Américains. Deux autres hôpitaux sont en service au grand camp.

Le 120e EVAC transforme l’une des casernes SS en hôpital de fortune. Il y dispose de toilettes et de douches chauffées mais doit remettre en état les chambrées, qui ont été pillées. Surtout il doit éviter les risques de typhus, endémique dans le camp. Avant l’installation de lits, chaque pièce est frottée au savon et à l’eau chaude., avant d’être aspergée de DTT comme le sera le personnel puis chaque malade.

Outre la malnutrition, un très grand nombre de détenus souffre de tuberculose plus ou moins avancée. Un hôpital spécialisé est ouvert fin avril à Blankenhain par le 45e EVAC où vont être transférés, à partir du 28 avril, près de 800 malades, 20 salles de 40 lits étant installées. L’admission ne s’effectue, comme à Buchenwald, qu’après les risques de typhus écartés.

Le 120e ne resta sur place qu’une semaine pendant laquelle Williams note qu’on put ramener la cadence de mortalité de 150 par jour à 20 par jour.

Pour une faible part, cette mortalité est due au retour à une alimentation normale de gens sous-alimentés et les rations furent contrôlées, pour être sûr que les prisonniers ne mangeraient pas trop. Dans les pires cas de malnutrition, les prisonniers furent nourris par injections intraveineuses à l’hôpital, ou bien on leur prépara un mélange dilué de céréales, lait et sucre, en quantité progressivement augmentée.

Williams , de retour aux Etats-Unis fin 1945, écrivant en 1946 l’histoire du 120e EVAC, reviendra sur la libération de Buchenwald. Je le cite:

« Buchenwald était un camp politique; ici étaient envoyés seulement les ennemis politiques de Hitler. Ainsi, parmi les prisonniers, il y avait les écrivains, les scientifiques et les artistes les plus importants d’Allemagne qui n’avaient pas réussi à s’échapper vers les pays démocratiques. Ils se sont organisés en un gouvernement clandestin hautement intégré et ont dirigé leur propre société sous le nez des gardiens SS.

Il existait «une organisation militaire », et ils ont fabriqué des fusils et d’autres armes à partir de pièces qu’ils ont péniblement fait pénétrer clandestinement dans le camp. Ils avaient une radio cachée et ont su immédiatement que les Alliés avaient débarqué. Le sabotage a continué partout.

Par tous les moyens, les détenus ont essayé de maintenir leurs capacités mentales et physiques. Leur réussite peut être jugée par le fait qu’ils ont assemblé plusieurs centaines d’armes à feu sur une période de plusieurs années et fait des plans pour le jour de la libération. Quand les premiers chars américains ont été repérés entrant dans la ville voisine, les prisonniers ont attaqué par l’arrière et capturé à la fois le camp et les troupes SS tirant sur nos chars. Les drapeaux de toutes les nations se sont mis à flotter au-dessus des blocs abritant les habitants de ces nations… »


15 avril 1945 3e partie

Le 15 avril dans l’après midi, le Comité des intérêts français tient une réunion. Il est désormais légal, ses membres sont connus, reconnus même, et font, écrira Pierre Durand dans ses Mémoires, « bonne figure ». Marcel Paul, le colonel Manhès et Maurice Jattefaux sont ses représentants au Comité international. Pourtant, selon Pineau, la réunion du CIF, est « assez pénible ». On y remue, écrit-il, beaucoup de linge sale. Quel linge sale?

L’historien Olivier Lalieu dans son livre La Zone grise (Taillandier 2005) tente une explication de ce qu’il appelle le « délitement du climat au sein de la communauté française au fil des derniers mois d’existence du camp ». Ce délitement est, selon lui, dû au surpeuplement du camp qui rend les conditions de vie plus difficiles, à l’aggravation des conditions d’hygiène, à la nourriture de plus en plus insuffisante. La mortalité est devenue effrayante, treize mille détenus décèdent en cent jours.

C’est la conséquence de l’arrivée des évacués des camps de l’est, juifs dans leur grande majorité, cantonnés dans le petit camp et dont, écrit Christian Pineau « l’atroce misère ne suscite pas dans le camp que des sentiments de pitié (mais) une extraordinaire vague d’antisémitisme » à laquelle le CIF tente de résister, avec difficultés, Pineau évoquant des discussions très vives dans son bloc.

Le Comité des Intérêts français tente de faire passer au Grand camp une cinquantaine de jeunes Français de moins de vingt ans identifiés parmi les arrivants, tel Léon Zyguel, https://www.youtube.com/watch?v=mpUmeI8ZlaE, connu des militants communistes de Ménilmontant.

Autre sujet de contestation, la mort de malades français au Revier et ce qui est considéré comme des meurtres de quelques Français au block 61 du petit camp, dont les Kapos sont des communistes allemands. A l’antisémitisme, s’ajoute le retour de l’anticommunisme.

Le CIF a interpellé à plusieurs reprises la direction clandestine allemande sur cette situation mais n’a pas été entendu.

Le 15 mars, écrit Lalieu, « Le comité directeur clandestin du parti socialiste à Buchenwald, conduit par Eugène Thomas, écrit à Marcel Paul. Il fait état du « malaise régnant actuellement dans le camp » et de « la création d’une atmosphère anticommuniste ». Eugene Thomas dénonce – tout en comprenant que cela est dû à des raisons de sécurité – ce qu’on appellerait aujourd’hui le manque de transparence dans les décisions qui sont prises au nom du CIF et donc « la circulation de mensonges, d’erreurs, de bobards ».

Marcel Paul répondra à Eugène Thomas, mais surtout, le CIF réunira une commission clandestine sur la situation des Français à Buchenwald et les dispositions à prendre « pour mettre les Français en mesure de faire face à l’effort de volonté et de courage face aux événements qui se préparent ». Ce long rapport est achevé le 31 mars 1945. Afin d’en conserver traces pour le cas où le camp serait totalement évacué ou ses détenus exterminés, il est transcrit en langage codé par un spécialiste du chiffre, Roger Arnould, scellé dans une bouteille et enfoui dans un lieu sur. Les clés du chiffre sont apprises par coeur par dix détenus qui n’ont pas connaissance du document. Document ramené en France le 24 avril et décodé par son chiffreur.

Le CIF prend acte de ce rapport le 3 avril 1945. On peut penser que la réunion du 15 avril raviva les tensions.

Elle se tient alors que l’unité se craquelle. Les antagonismes politiques qui s’étaient conciliés dans le CIF renaissent. Des le 12 avril les communistes allemands ont réuni 55 de leurs cadres. Le 16 avril ils organiseront un hommage à Thälmann, l’ancien secrétaire général du Parti, assassiné dans le camp (bien qu’il n’y est été jamais interné), hommage auquel les partis communistes frères seront invités. Les sociaux démocrates du camp, dont des Français, se réunissent le 13 avril, et mettent au point un manifeste. Marcel Paul puis jean Lloubes réunissent les communistes français qui publient même une Humanité de Buchenwald et bientôt, le 20 avril, lanceront une campagne d’adhésion « promotion Buchenwald ».

Chacun a hâte de rentrer en France.

Marcel Paul – DR

16 avril, 1945

Le 16 avril 1945, mille habitants de Weimar se rendent à pied à Buchenwald. Ils seront en fait deux fois plus nombreux.

Sur ordre des Américains, le maire de la ville avait, on l’a vu, instauré des critères dans le choix des visiteurs qui sont désignés, tôt le matin, par la police, chacun étant dans la rue, devant sa demeure et désigné ou non. Ils sont regroupés en une longue colonne près de la gare de Weimar puis montent vers le camp en suivant la route d’Ettersberg puis par la Blutstrasse, la route du sang. Christian Pineau, qui est descendu à pied vers Weimar croise « ce défilé de civils qui semble ne devoir jamais s’arrêter au niveau du passage à niveau » des femmes, des hommes âgés, des adolescents, une foule qui semble endimanchée et que la distance et la pente de l’Ettersberg tronçonnent bien vite en petits groupes. Pas d’hommes en âge de porter les armes comme le remarquera Jorge Semprun dans l’Ecriture ou la vie.Les femmes portent des robes de printemps aux couleurs vives, les hommes sont souvent appuyés sur une canne.

« Les Américains ont vidé les maisons, ordonné aux habitants de prendre à pied la route qui monte au camp. On leur fera tout visiter pour qu’ils n’oublient rien de ce auprès de quoi ils ont si longtemps vécu…, » écrit encore Pineau qui, de retour au camp va « s’installer devant le Krématorium pour voir le « Tout Weimar » défiler. La mise en scène a été bien montée, écrit-il. le four ouvert est encore plein de crânes, d’ossements tout à fait évocateurs. Curieux spectacle que ce pèlerinage forcé! Les hommes d’un certain âge regardent avec horreur, certains avec honte. Beaucoup de femmes pleurent. Les jeunes, ceux d’une vingtaine d’années, les plus intoxiqués, détournent la tête, indiquant ainsi qu’ils ne veulent pas voir. (…) Rien n’est épargné aux visiteurs; ils traversent tout le petit camp, y compris les baraques des dysentériques, côtoient des tas de cadavres, visitent le Revier, sous les sarcasmes des squelettes, dressés sur leurs paillasses. Puis ils remontent à la Tour, reprennent la route de Weimar, les jambes encore plus molles qu’en montant la côte. »

Pineau n’a pas dit qu’avant de franchir la porte du Camp, la Tour que surmonte un drapeau noir, en hommage à Roosevelt, les groupes passent devant l’exposition de la collection de peau tatouées et de têtes réduites constituée par Ilse Koch, l’épouse du premier commandant du camp

http://archives.ecpad.fr/civils-allemands-visitant-le-camp-de-concentration-de-buchenwald-apres-sa-liberation/

De très nombreuses photos de cet événement ont été prises. Les plus célèbres sont celles de l’Américaine Margaret Bourke – White, qui accompagne la 3e armée et Patton. Son cliché d’une allemande en robe légère et chaussures de marche passant devant un tas de cadavres en cachant ses yeux derrière sa main, sera publiée dans le magazine Life. Le premier documentaire projeté aux Etats-Unis sur les crimes de guerre nazi, sera nourri d’images de cette visite du camp https://www.youtube.com/watch?v=z-6tCERMLv4&feature=rec-HM-r2


17 avril 1945

Le 17 avril une équipe spéciale de la Psychological Warfare Division du Suprême Headquarters Allied Expeditionary Force, (PWD-SHAEF), commence à interroger les détenus. Elle est arrivée de Paris la veille et est conduite par Albert G Rosenberg, sans doute le lieutenant Rosenfeld dont parle Jorge Semprun dans  l’Ecriture ou la vie, lorsqu’il écrit « je savais que l’administration  américaine préparait un rapport d’ensemble sur la vie et la mort à Buchenwald. A cette fin,  les détenus qui avaient exercé quelque responsabilité  dans la gestion interne du camp étaient convoqués par des officiers des services de renseignements. le lieutenant Rosenfeld étaient l’un d’eux… ». Rosenfeld, le 16, dans la cour du crématoire, s’adressait aux habitants de Weimar, et écrit Semprun « d’une voix neutre, implacable, expliquait le fonctionnement du four crématoire, donnait les chiffres de la mortalité à Buchenwald. Il rappelait aux civils de Weimar qu’ils avaient vécu, indifférents ou complices, pendant plus de sept ans, sous les fumées du crématoire ».

Le but de cette mission est, le plus rapidement possible, d’examiner la situation, de décrire l’organisation d’un camp de concentration nazi, le rôle qu’il est censé jouer dans l’Etat, et ce qui arrive à ceux qui y sont détenus, afin de préparer un rapport à l’intention du Haut Quartier général des Forces Alliées. Buchenwald est le premier grand camp de l’Ouest libéré par les Alliés et la connaissance des mécanismes du système concentrationnaire est de première importance pour prendre la mesure des crimes nazis.

C’est d’ailleurs ainsi que se présente à Pineau « un colonel américain, parlant aussi bien le français que l’allemand qui vient faire une enquête au nom de la commission des criminels de guerre. Après plusieurs interrogatoires, l’officier se rend avec nous à  L’Arbeitstatistik et à la Schreibstube, pour bloquer les documents qui peuvent encore s’y trouver afin de reconstituer l’histoire administrative du camp » écrit Pineau.

Ce 17 avril, et Pineau le dit à son interlocuteur, l’aspect du camp « est encore pire qu’avant la libération. Le manque d’eau, l’insuffisance de médicaments appropriés, la nourriture trop forte ont fait des ravages parmi les détenus. La mortalité est aussi forte qu’aux pires mois de l’hiver ».

Les quatre engagés qui composent la petite équipe, Max M. Kimenthal, Alfred K. Sampson, Richard Akselrad et Ernest S. Biberfeld vont recruter neufs détenus, quatre Allemands, deux Autrichiens, un Français, Lionel Guierre, né à Casablanca en 1921 et déporté à Buchenwald en octobre 1943, un Tchécoslovaque, un Hollandais et un Letton, qui serviront essentiellement d’interprètes. Eugène Kogon va guider l’équipe qui va se renforcer de représentants des comités nationaux, le comité français étant le mieux représenté aux cotés des comités allemands et autrichiens. Sur ce choix, Kogon s’est expliqué dans son avant propos à l’Etat SS, rédigé en novembre 1945 et qui, comme on l’a déjà dit, est à la source du Buchenwald Report. Il chercha surtout à rétablir une sorte d’équilibre entre l’influence des paroles et analyses communistes et celles des autres composantes politiques du camp, s’appuyant sur les contributions des rares agents britanniques qu’il avait personnellement sauvé de l’exécution, de sociaux démocrates et d’un moine franciscain. « On me saura gré, écrit-il de n’avoir pas craint de dévoiler le rôle joué dans divers camps par certains types politiques qui, aujourd’hui, font grand bruit de leur antifascisme intransigeant…

Quatre semaines après avoir commencé son travail, c’est à dire vers la mi mai 1945,  Kogon remis son rapport de plus de 400 pages dactylographiées au PWD-SHAEF. Ses collaborateurs les plus proches avaient été le socialiste Römhild, le social démocrate Baumeister, le communiste Heymann, le catholique de centre droit Hilpert et le radical de gauche Hackel qui avaient appartenu à la direction clandestine du camp ou qui représentaient certains groupements politiques de détenus. Kogon  avait lu la plus grande partie de son rapport au début du mois de mai « à un groupe de quinze personnes, dont Bartel, Büsse et Eiden, qui en approuvèrent l’exactitude ».

Le rapport Kogon fut (un peu) utilisé à Nuremberg, lors des procès, puis disparu. Kogon remania le manuscrit et le publia sous son nom personnel  en 1946, traduit en français à La jeune Parque, fin 1947. Les tensions de la guerre froide ont sans doute contribué  à enterrer le véritable rapport,  les enquêteurs américains ne pouvant que juger contraire à la politique des Etats-Unis l’influence des communistes à Buchenwald.

David Andrew Hackett a publié le Buchenwald Report, la version très abrégée de l’Etat SS de Kogon, en 1995. Le livre bénéficie aujourd’hui de 38 éditions. Lui même est l’auteur de quelques ouvrages: sur le Plan Young et la politique allemande, (Université du Wisconsin, 1965), Le parti nazi et les élections de 1930 au Reichstag (Université An Arbor Michigan, 1982et sur Les procès de  Buchenwald crimes de guerre nazis et poursuites en justice, Perseus Books, 2005

Il n’existe pas de traduction française publiée. Je dois à Eveline Le Goupil et Vanina Brière  d’avoir pu utiliser la version qu’elles avaient traduite pour Paul Le Goupil.

Photographie de la commission visitant le camp à la Libération © AFBDK

18 avril 1945

Quand retournerons nous en France?

La question prend de plus en plus d’importance au fur et à mesure que le temps passe. Christian Pineau s’étonne que l’évacuation générale du camp ne paraisse pas la préoccupation principale des Américains. « La guerre n’est pas finie lui répond un colonel. Les camions doivent être réservés par priorité à l’armée, les voies ferrées sont coupées… ».

Outre les questions de moyens, le rapatriement des déportés n’est pas la priorité du Haut quartier des forces alliées (SHAEF) qui privilégie le retour des prisonniers de guerre ( 930 000) puis celui des STO ( 650 000). Bien qu’un Ministère des Prisonniers, Déportés et Réfugiés, confié à Henry Frenay, a été créé en octobre 1944 et doive planifier les rapatriements, malgré la présence auprès des forces alliées d’officiers de liaisons accrédités, et qui ont pour mission de rassembler leurs nationaux, et celle des « Demoiselles de Gaulle » ces volontaires féminines de la France libre, le SHAEF reste le grand ordonnateur, aidé par La Croix Rouge.

Un recensement du 16 avril sur la population du camp dénombre 2 900 Français, les plus nombreux après les Russes et les Polonais.

Quelques individus, comme Claude Vanbremeersch, jeune Saint-Cyrien, se joignent aux troupes alliées qu’ils accompagneront jusqu’à la fin des combats. Les autres attendent avec impatience l’heure du retour.

Des les premiers jours de la libération ils ont pu envoyer des nouvelles vers la France. Les nombreuses personnalités politiques internés ont prévenu leurs relations. Les militaires se sont présentés aux officiers de liaison.

Le 18 avril, deux vols vers Le Bourget emmènent 44 détenus. Ils sont accueillis par des officiels et une haie militaire d’honneur. A sa descente d’avion, Frédéric-Henri Manhès est interviewé par un journaliste de la radio française. Il cite les noms et qualités des personnes rapatriées dont le journal Libération publiera la liste le 19 avril : des généraux, des professeurs d’Universités, des élus, des « chefs » de la résistance française. https://www.ina.fr/audio/P15084191/le-rapatriement-des-deportes-politiques-de-buchenwald-audio.html

Tous ont promis d’intervenir pour accélérer les rapatriements. De Gaulle reçoit la plupart d’entre-eux le lendemain, comme il recevra Pineau, arrivé lui dans un camion de la Croix-Rouge, quelques jours plus tard.

Trois jours après son retour, Marcel Paul, qui était dans l’avion, est reçu par Eisenhower à son quartier général de Versailles et plaide pour une aide au retour plus massive. Accompagné d’officiers d’ordonnance et d’interprètes il reprend l’avion pour Eisenach, qui devient le centre de regroupement des prisonniers et déportés français.

« C’était à Eisenach, vers la fin du mois d’avril, écrit Jorge Semprun, dans un hôtel d’Eisenach utilisé par les Etats-majors alliés comme centre de rapatriement des prisonniers et des déportés de la région. J’ai serré encore plus fort la jeune femme que je tenais dans mes bras (…) qui répondait au prénom de Martine et qui faisait partie d’une mission auxiliaire de l’armée française. Mes cheveux repoussaient (…). J’étais habillé comme n’importe qui, n’importe quel type de vingt ans à Paris… ». Nous sommes le 28 avril.

Pierre Durand a quitté le camp le 22 avril. Il reste quelques jours à Eisenach puis embarque « dans des wagons de marchandises, du même type que ceux dans lesquels nous avions été déportés. Mais il y avait de la paille propre, les portes étaient grandes ouvertes, nous étions à l’aise et la nourriture abondait ». A Saint-Avold, étape et interrogatoire de la Sécurité militaire « qui nous demandaient de décliner notre identité, d’expliquer les raisons et les circonstances de notre arrestation, de préciser éventuellement notre rôle dans la résistance ».

C’est ensuite Paris et l’accueil au Lutétia auquel la Délégation parisienne des Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation a consacré une remarquable exposition http://lutetia.info

« Je me revois encore (à Buchenwald), se souvient Bertrand Herz dans Le Pull-over de Buchenwald, les quelques jours précédant le départ, assis par terre au milieu d’un grand nombre d’adultes. A quoi ressemblons-nous, ainsi accroupis dans la poussière – il fait beau – il n’y a ni pluie, ni vent? Nous n’avons pas l’allure, plutôt patriotique, de ces camarades, parfois des résistants importants, debout, souriants face à la caméra américaine; nous ne sommes pas non plus ces hommes décharnés, malades, vautrés sur le sol, car incapables de se déplacer, que les cinéastes américains montreront au monde entier.

Non, nous sommes des détenus lambda, peu dynamiques mais valides, même si plutôt mal en point : vomissements, diarrhée, manque d’appétit.

Nous partons à trente dans un camion américain conduit par des Français, des Bretons, probablement des militaires servant dans l’armée américaine. Le soir du 23 avril, nous arrivons à Eisenach, à 50 kilomètres du camp.

C’est effectivement le French Truck Group une compagnie de transports militaires d’aide à la population civile intégrée dans l’Armée Patton, qui assure les transferts entre le camp et Eisenach. L’un de ses conducteurs, Raymond Savoyat a raconté son odyssée https://asso-buchenwald-dora.com/wp-content/uploads/2016/02/serment312.pdf et les rotations effectuées pour évacuer les Français de Buchenwald, plus ou moins bien portants. « Nous les chargions à bout de bras dans les camions, tellement ils étaient légers » me disait-il en 2007. Plus récemment, c’est dans le quotidien Le Monde que son témoignage, recueilli par Benoit Hopquin, a été publié. https://www.lemonde.fr/international/article/2019/07/08/se-souvenir-de-buchenwald_5486666_3210.html.

Bertrand Herz, d’Eisenach va continuer en camion sa route vers Francfort puis Mayence. De là, c’est en train qu’il se dirige vers la France. Arrêt à Hayange. « Je suis révolté par les tracasseries imposées aux rapatriés d’Allemagne par l’administration française. Je comprendrai plus tard que les autorités ont sans doute institué ces contrôles pour détecter les éléments douteux, voire collaborateurs ou nazis, qui se sont cachés parmi les déportés et prisonniers rentrant en France. » C’est enfin le train pour Paris où il arrive le 29 avril 1945.

https://enseignants.lumni.fr/fiche-media/00000000261/retour-a-paris-de-prisonniers-et-de-deportes.html


19 avril 1945

Lors de sa cinquième réunion, le 16 avril, le Comité international du camp avait décidé d’organiser, le 19, des funérailles solennelles pour les milliers de morts de Buchenwald et ses camps extérieurs. Une commission avait été mise en place sous la direction de l’artiste hollandais Henri Pieck, résistant arrêté en juin1941, emprisonné puis déporté à Buchenwald en avril 1942 où il avait été affecté au block 50, celui des vaccins. Elle de composait de 17 membres, Autrichiens, Polonais, Tchèques et Hongrois. C’est une proposition du Tchèque Franz Husta qui fut acceptée et auquel on laissa les mains libres. On essaierait que la manifestation se déroule au crépuscule

Elle aurait lieu sur la place d’Appel où serait érigé un obélisque en bois, sur lequel serait inscrit K.L.B. 51 000, et prendrait la forme d’une sorte d’hommage militaire aux morts et, en même temps, de défilé de la victoire.

La cérémonie devait commencer à 19h45 par le défilé de cortèges nationaux vers l’obélisque. Un orchestre accompagnerait l’arrivée des délégations. Prendraient ensuite la parole un Allemand (Walter Bartel), un Français (Maurice Jattefaux), un Russe et un Polonais dont les discours seraient traduits en anglais, russe et français. Le commandant (américain) du camp s’adresserait aux détenus et son discours serait traduit en allemand, russe et français. Une minute de recueillement accompagnée d’un choeur russe clôturerait la manifestation avant une marche de retour silencieuse. http://archives.ecpad.fr/ceremonie-commemorative-au-camp-de-concentration-de-buchenwald/

De fait, s’ajouta la prononciation d’un serment lu, lui, outre les langues mentionnées, également en anglais et en tchèque. Si c’est, on l’a vu, Jattefaux, ancien du mouvement de résistance Combat, arrêté en mai 1944 et passé par Auschwitz qui a lu la déclaration française, Marcel Paul avait confié à Pierre Durand la lecture de ce qui est devenu le Serment de Buchenwald.

Ce texte, rédigé par Walter Bartel, avait été adopté lors de la septième réunion du Comité international, le 18 avril. Chaque délégation nationale devait l’approuver. https://asso-buchenwald-dora.com/le-camp-de-buchenwald/histoire-du-camp-de-buchenwald/le-serment/

On connait ses dernières phrases : nous abandonnerons seulement la lutte quand le dernier des responsables sera condamné devant le tribunal de toutes les Nations.

L’écrasement définitif du nazisme est notre tâche.

Notre idéal est la construction d’un monde nouveau dans la paix et la liberté.

Nous le devons à nos camarades tués et à leurs familles. Levez vos mains et jurez pour démontrer que vous êtes prêts à la lutte.

FIN

Un commentaire sur “La Libération de Buchenwald au jour le jour

  1. Merci pour ce reportage…. J en ai tellement lu comme celui ci
    Il faut être touché de près pour comprendre et il faut aller visiter le camp de Buchenwald ..poignant et triste

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